

(Dimension des étiquettes originales : 120 x 70 mm et 120 x 100 mm)
Clos de la Pucelle, clos de la Putin. Ainsi se nomment deux parcelles distantes de quelques kilomètres, l’une à Rully, l’autre à Givry, dans la côte chalonnaise, en Bourgogne.
La pucelle est à l’opposé de la putain, dont putin est une variante. Pourquoi les anciens propriétaires de ces vignes (au moyen âge ?) ont-ils choisi des noms de signification aussi éloignée pour des vignobles d’exception ? Peut-être parce que, contrairement aux apparences, pucelle et putain ne sont pas si différentes….
Le site du domaine de Belleville, également propriétaire dans le 1er cru La Pucelle à Rully [1], nous dit que « L’origine du nom remonte au Moyen Age. L’histoire raconte que le Seigneur de Rully a partagé ses terres et donna à sa fille la plus jeune, la meilleure de ses parcelles. La Pucelle vient de l’adjectif latin « Pulcella » qui se traduit par ‘ Jolie, belle, charmante’. »
En effet, les dictionnaires de latin indiquent que pulcella est le féminin de pulcellus, qui se traduit par « mignon, charmant, joli ». Les dictionnaires étymologiques ou historiques ne sont pas tous d’accord pour affirmer que pucelle provient de pulcella. Mais ils nous confirment que, si le nom de pucelle a désigné dès l’origine « une femme qui n’a pas connu d’homme », il a également été utilisé pour désigner de façon générale une jeune fille, et celui de « pucelette » une fillette. Selon Anatole France, « Dans le langage familier, une pucelle était une fille d’humble condition, gagnant sa vie à travailler de ses mains, et particulièrement une servante. Aussi nommait-on pucelles les fontaines de plomb dont on se servait dans les cuisines. Le terme était vulgaire sans doute; mais il ne se prenait pas en mauvaise part. » (Anatole France, Vie de Jeanne d’Arc, Calmann-Lévy, 1908).

Le plus célèbre des clos de la Pucelle (ou des Pucelles ou Pucelles) est situé à Puligny-Montrachet, dans la côte de Beaune. C’est une des meilleures parcelles (ou climat) de Puligny, classée en 1er cru, et située tout près des plus grands, Montrachet et Chevalier-Montrachet, et contiguë des deux autres grands crus de la commune, Bâtard-Montrachet et Bienvenue-Bâtard-Montrachet.
La tradition locale rapporte une histoire très voisine de celle de Rully pour expliquer les noms de ces prestigieux climats : le partage, au moyen âge, des terres du seigneur de Puligny entre ses enfants : le fils aîné ou « chevalier », les filles ou « pucelles » et le « bâtard ». Dans les deux cas, la pucelle serait donc simplement la fille de l’ancien propriétaire.
Mais la putain, alors ?
L’étiquette, ainsi que le site de Michel Sarrazin et fils [2], propriétaires du Clos de la Putin à Givry, nous indique que « L’origine du Clos de la Putin remonte au XVIème siècle. Il doit son nom aux qualificatif donné aux très belles filles de l’époque. ». Surprise !
Putain, parfois orthographié putin (citation de D’Aubigné dans le Littré : « Il fit part de son espouvantement aux assiegeans par un homme hors d’haleine et si estonné qu’à son rapport tout joua à fils de putin le dernier, et chacun quittant ses armes se laissa guider à la peur », Histoire universelle, 1620), est en fait une variante de « pute », comme « nonnain » l’est pour « nonne ».
Pute/putin/putain vient du latin puta qui se traduit par « fille », forme féminine de puer (enfant). Pas de connotation honteuse ou sexuelle, donc, dans cette filiation initiale….
Il semble que l’autre étymologie souvent invoquée pour putain, de l’adjectif put (« sale »), du verbe latin putere (« puer ») ou de putidus (« fétide, puant » et dont viendrait le nom du putois), n’est pas exacte ….
En tout cas, rien de nauséabond, bien au contraire, dans cette belle cuvée de Givry, d’une grande finesse et concentration, un vin équilibré et harmonieux.
Pucelle(s) ou put(a)in, ces cuvées sont « bonnes filles », et procureront à l’amateur ou l’amatrice de vin un immense plaisir !


Dans les livres aussi…
L’opposition de la pucelle et de la putain est un ressort littéraire utilisé dans au moins deux romans. Le premier, La pucelle et la putain d’Ana Planelles [3], raconte dans le Marseille d’après première guerre mondiale l’histoire d’une jeune orpheline recueillie par une vieille prostituée au grand cœur. L’autre, La pucelle et le démon de Benedict Taffin [4], met en scène Sidoine de Valzan, un officier missionné pour escorter « LA » pucelle, celle d’Orléans, afin qu’elle rejoigne au plus vite le roi de France. Mais Jeanne d’Arc trépasse prématurément et le soldat, qui doit absolument la ramener au Roi, ne trouve comme solution que de remplacer Jehanne par Oriane, une putain de rencontre, qui s’en sort plutôt bien dans son nouveau rôle….
Liens et références :
1. Domaine de Belleville, 71150 Rully. Clos de la Pucelle 1er cru.
2. Domaine de Michel Sarrazin et fils, Charnailles 71640 Jambles
3. Ana Planelles. La pucelle et la putain. © 2007, France Europe Editions.
4. Benedict Taffin. La pucelle et le démon. © 2012, ASGARD éditions.
© Texte posté le 30/05/2021, En hommage à Evelyne et Jacques V., grâce à qui j’ai découvert le Givry Clos de la Putin