
Quoi ! du Pommard mousseux, de la Romanée, du Chambertin mousseux ?! Mais aussi du Chablis, du Meursault, et même du Montrachet Mousseux ? Difficile d’imaginer aujourd’hui, vu les prix de ces crus prestigieux, de les vinifier en mousseux …. Et en rouge en plus !! Pourtant cela a existé et cette pratique a même été en vogue à la fin du XIXème et début du XXème siècle, comme en témoignent ces deux étiquettes et leurs petites sœurs qui illustrent l’article. Certes, à l’époque, les appellations d’origine n’étaient ni contrôlées ni protégées.


A la rubrique « Bourgogne mousseux » [1], le site du bureau interprofessionnel des vins de Bourgogne donne une explication claire et concise de cette curiosité:
« Au début du XIXème siècle, les producteurs de la région de Bourgogne s’intéressent à l’élaboration de vins mousseux selon les techniques mises au point en Champagne, plus particulièrement à Rully, en Saône-et- Loire, dès 1820, à Nuits-Saint-Georges, puis, en 1840, à Chablis. Le nouveau produit a du succès, en particulier auprès de clients d’Angleterre et des Etats-Unis, et la méthode se diffuse rapidement. Des vins mousseux sont élaborés au cœur des plus beaux territoires comme au Clos Vougeot, à « Chambertin », à Chablis, …



Les producteurs de vins mousseux se regroupent au sein d’un syndicat, dès 1939, et obtiennent, en 1943, la reconnaissance de l’appellation d’origine contrôlée «Bourgogne mousseux». Le décret réserve cette appellation d’origine contrôlée aux vins blancs, rouges et rosés produits par seconde fermentation en bouteille.
A partir des années 1960, des producteurs bourguignons souhaitent formaliser et protéger leur production de vins mousseux de qualité et mettent en place des règles rigoureuses de récolte et d’élaboration qui aboutissent à la reconnaissance de l’appellation d’origine contrôlée « Crémant de Bourgogne », par un décret de 1975, pour des vins blancs ou rosés. A partir de 1984, l’appellation d’origine contrôlée « Bourgogne mousseux » est alors réservée aux seuls vins rouges. »
Ce court texte cache en fait une vraie « guerre des bulles » qui a fait s’affronter depuis le XIXème siècle les représentants des vignerons champenois, tourangeaux, angevins, bourguignons, allemands, californiens, … et qui se poursuit toujours. En témoignent les procédures juridiques récentes en France pour limiter l’appellation « Crémant » [2, 3] ou bloquer le droit à l’indication géographique protégée (IGP) pour des vins effervescents de certaines régions (Provence, Ardèche, pays d’Oc) [4]. Mais aussi la tempête économico-médiatique provoquée à l’été 2021 par V. Poutine sur le « Champagne » russe [5], avant que sa folie hégémonique ne se porte plus dramatiquement sur l’Ukraine…

La notice Wikipédia « Crémant de Bourgogne » [6] nous apprend que dès le début du XIXème siècle, Rully dans la Côte chalonnaise, Tonnerre dans l’Yonne, mais aussi Nuits (plus tard Nuits-St-Georges) en Côte d’Or ont profité de l’engouement croissant pour les vins pétillants pour se lancer dans la fabrication et la commercialisation de vins mousseux. En important ou s’inspirant du savoir-faire champenois à Rully et Chalon sur Saône en 1822 (François Basile Hubert et les frères Petiot) et à Nuits dès 1819 (Joseph-Jules Lausseure). Mais on se doute qu’en commercialisant en 1826 du vin de Bourgogne mousseux sous le nom de « Fleur de Champagne Qualité Supérieure » [7], le succès commercial serait immédiat, mais les ennuis judiciaires aussi.

De nos jours, l’appellation contrôlée Bourgogne Mousseux existe toujours [8] mais reste confidentielle. Elle concerne exclusivement les vins mousseux élaborés à partir de raisins rouges (pinot noir et gamay en cépages principaux) auxquels une petite partie d’autres cépages secondaires peuvent être ajoutés, chardonnay, pinot blanc, pinot gris et césar.
Ce goût pour le vin rouge pétillant, maintenu en Italie avec le Lambrusco ou le Brachetto, va peut être revenir à la mode ?
Liens et références :
1. Bourgogne mousseux. Site du Bureau Interprofessionnel des Vins de Bourgogne (BIVB) .
2. Pierre du Couëdic. Le Crémant vers une spécificité ou vers une dénomination commune. Rivista di diritto alimentare, 2010, année IV, numero 3
3. Frédérique Jourdaa. L’appellation crémant reste en sa terre. Ouest France, publié le 06/03/2015.
4. Le Figaro Vin. L’attribution du label IGP « Méditerranée » réjouit les producteurs de mousseux du Sud-est. Publié le 07/01/2017.
5. Paul Gogo. La Russie s’approprie l’appellation « champagne ». Le Monde, publié le 05/07/2021.
6. « Crémant de Bourgogne », site Wikipédia.
7. Jean-François Bazin. Le crémant de Bourgogne. Deux siècles d’effervescence. Dunod, 2015 ; 240 p.
8. Par exemple, Bourgogne Mousseux Vitteaut-Alberti ou Veuve Ambal , célèbre maison de Crémants de Bourgogne établie à Rully en 1898 et à Beaune depuis 2005



© Texte posté le 10/09/2022.
L’abus d’alcool est dangereux pour la santé. Consommez avec modération.
Les étiquettes illustrant cet article sont issues de la collection de l’auteur ou de captures d’écran (sites ebay France, leboncoin, etc..).











