la guerre du Champagne

(Dimension de l’étiquette originale : 120 x 80 mm)

En Champagne, le XXème siècle a débuté par de graves conflits [1] occasionnés par la délimitation de la zone d’appellation « Champagne ». Un premier conflit, violent, oppose en 1910 les vignerons de la Marne aux négociants, qui importent à bas prix des vins d’autres régions qu’ils « champagnisent » et vendent sous étiquette authentique. Des maisons de négociants sont saccagées, des barricades s’érigent, l’armée intervient. Les vignerons marnais obtiennent une délimitation des vignobles, mais qui va entraîner par ricochet une autre révolte, celle des vignerons aubois… Dès décembre 1908, un décret de délimitation exclut l’Aube des zones d’appellation Champagne. Il est complété par une loi de finance votée le 06 février 1911, qui interdit aux vignerons aubois de vendre leur raisin à la Marne pour la fabrication du champagne !

Cette loi ruine les vignerons aubois qui avaient enfin reconstitué leur vignoble après la crise phylloxérique, sortaient d’une très mauvaise récolte 1910, d’un hiver froid, et étaient confrontés à une mévente du vin de consommation courante. Elle provoque dans la région la fameuse révolte des vignerons [2] dirigée par Gaston Cheq [3]. En mars 1911, de gigantesques manifestations, fleuries de drapeaux rouges, ont lieu à Bar sur Aube et à Troyes (20 000 manifestants). 125 conseillers municipaux démissionnent. Le 10 avril, le Sénat demande la suppression de la délimitation mais faute d’une confirmation, les troubles s’aggravent. Le gouvernement envoie l’armée (plus de 3000 hommes) à Bar sur Seine le 3 mai, puis dans les villages environnants pour contrer la fureur des vignerons. 

Le 7 juin 1911, le gouvernement crée par décret une appellation de « Champagne deuxième zone » pour l’Aube. L’agitation se poursuit car les Aubois veulent l’intégration pure et simple. Arrive la guerre, qui détruit nombre de villages viticoles de la Marne, puis l’armistice. 

Après des années de pression, la loi du 22 juillet 1927 réintègre toutes les communes auboises dans la zone appellation «Champagne ».

Cette étiquette de  » Champagne  deuxième zone  » aubois, vendue par un négociant d’Epernay, date donc de la période comprise entre 1911 et 1927. L’étoile rouge fait peut être écho à la révolution bolchevique russe de 1917, ou bien renvoie à la couleur rouge des manifestations de la ligue de défense des vignerons aubois ?… Rouge des drapeaux et des macarons arborés par les manifestants, sur lesquels était inscrite cette devise :

Champenois nous fûmes

Champenois nous sommes

Champenois nous resterons

Et ce sera comme ça !

Troyes, 9 avril 1911. Manifestation des vignerons champenois de l’Aube

Autres exemples d’étiquette de Champagne première et deuxième zone de négociants d’Epernay

Liens et références :

1. François Bonal. Encyclopédie du Champagne. La révolution vigneronne. Site des Grandes Marques de Champagne.

2. Dominique Fradet, « 1911 en Champagne. Chronique d’une révolution« . Éditions Fradet, Reims, 2011.

3. Site du Champagne Gaston Cheq (coopérative des Coteaux du Landion, 10200 Meurville).

Texte publié initialement le  21/04/2020 sur le site https://des-etiq-racontent.monsite-orange.fr/

Les quatre sergents de La Rochelle

(Dimension de l’étiquette originale : 118 x 77 mm)

Nous sommes en 1821, la monarchie est restaurée en France après presque 20 années de Révolution et d’Empire. Les ultra-royalistes règnent en maîtres, la presse est bâillonnée. Les partis d’opposition privés de représentation parlementaire se tournent vers l’action clandestine. 

La « charbonnerie », société secrète issue des carbonari italiens, vise à renverser la monarchie restaurée. Elle comporte des membres célèbres, comme le marquis de La Fayette, des savants et d’autres plus modestes, des étudiants et de nombreux militaires des armées napoléoniennes hostiles à la restauration monarchique imposée par l’ennemi. Ceux du 45e régiment de ligne se font remarquer en refusant de crier «Vive le Roi !». Le régiment basé au quartier latin à Paris, foyer de contestation des étudiants, est transféré à La Rochelle en janvier 1822.

Le « Grand soir » de la charbonnerie est fixé au 29 décembre 1821. Des coups de force éclatent à Saumur, Thouars, Belfort, mais La Fayette ayant refusé de s’engager, les opérations échouent. La police chargée de retrouver les comploteurs arrête sur dénonciation quatre jeunes sergents du 45e régiment de La Rochelle, membres de la charbonnerie : François Boriès, 26 ans, Jean Pommier, 25 ans, Charles Raoulx, 24 ans et Charles Goubin, 20 ans.

Ils sont jugés à Paris le 22 août 1822. Fidèles à leur engagement, et malgré les menaces, les pressions et les promesses de grâce, ils refusent de dénoncer les responsables de leur organisation. Les quatre sous-officiers sont condamnés à mort et guillotinés publiquement en place de Grève le 21 septembre 1822.

« Vive la liberté ! » crièrent chacun des quatre condamnés en grimpant sur l’échafaud. « Rappelez-vous que c’est le sang de vos fils qu’on fait couler aujourd’hui ! » ajouta François Boriès. Accusés sans preuve et n’ayant participé à aucune rébellion, ils sont rapidement considérés comme des « martyrs de la liberté ». Leur sacrifice est exploité par l’opposition républicaine, bonapartiste et orléaniste contre le gouvernement de la Restauration.

Leur destin tragique émeut la France entière. Gravures, chansons, pamphlets, œuvres littéraires (Balzac) en font de véritables héros populaires. A La Rochelle, la Tour de la Lanterne où ils ont été emprisonnés porte maintenant leur nom. Par solidarité, plusieurs cabarets se sont rebaptisés “ Aux Quatre Sergents de la Rochelle ”. Les corps des 4 martyrs ont été inhumés à Paris au cimetière du Montparnasse où un monument perpétue leur souvenir.

Cette étiquette de « Royal Champagne des quatre sergents de La Rochelle » n’est pas contemporaine des événements, son style la rapproche des étiquettes lithographiées du début du XXème siècle. Elle a pu être éditée pour le centenaire de leur mort, en 1922, ou signer une cuvée réservée d’un des nombreux restaurant portant leur nom. 

Dans tous les cas, la mention « Royal Champagne » est pour le moins malheureuse, pour une cuvée commémorant quatre martyrs républicains, morts pour la seule raison d’avoir milité contre la monarchie !

Tour des 4 sergents, port de La Rochelle

Liens et références

  • L’histoire des quatre carbonari, bientôt bicentenaire, a fait l’objet d’un essai publié le 3 mars 2021. L’auteur, Jacques-Olivier Boudon, est professeur d’histoire contemporaine à l’Université Paris IV la Sorbonne, spécialiste de la Révolution et de l’Empire.
  • Jacques-Olivier Boudon. Les quatre sergents de la La Rochelle. Le dernier crime de la monarchie. Editions Passés Composés, 2021, ISBN 2379332568

Texte publié initialement le 15/04/2020, modifié le 15/05/2021

Le drapeau brésilien

(Dimension de l’étiquette originale : 117 x 75 mm)

Coupe du monde de football en 2014, Jeux Olympiques de Rio en 2016, mais aussi drame de la déforestation amazonienne, rétablissement d’un pouvoir autoritaire en 2018… Les occasions, heureuses ou non, de voir flotter le drapeau du Brésil n’ont pas manqué. Cette étiquette de Champagne « Drapeau Brésilien » nous en rappelle l’origine et les valeurs que ses créateurs ont voulu transmettre.

Le 15 novembre 1889, la toute nouvelle République des États-Unis du Brésil remplace l’ancien régime impérial. L’étiquette lithographiée date probablement de 1891, année où le célèbre drapeau a été adopté par le gouvernement provisoire de la république sous l’influence du général Benjamin Constant Botelho de Magalhães [1]. A cette époque, l’actuelle maison de champagne Henri Abelé s’appelait du nom de son fondateur flamand, Van der Veken [2].

L’idée du drapeau vient du professeur R. Teixeira Mendes, de son assistant M. Lemos et du professeur Pereira Reis, professeur d’astronomie. Il a été dessiné par le peintre Décio Vilares.

Les principales couleurs du drapeau symboliseraient les richesses du Brésil. Le fond vert représenterait ses forêts luxuriantes, le losange jaune ses richesses aurifères, tandis que le bleu profond de la sphère centrale serait celui de la couleur du ciel tropical. Autre version : le vert et le jaune étaient les couleurs respectives des Bragança et des Habsbourg, dont étaient issus le premier empereur du Brésil Pedro I et son épouse Léopoldine, à l’origine de l’indépendance du pays en 1822.

Dans le bleu du ciel, des étoiles… Elles symbolisent le district fédéral et les états fédérés du pays. Sur cette étiquette du XIXème siècle il y a 21 étoiles, comme sur la première version du drapeau brésilien entre 1889 et 1960. Puis le drapeau a évolué, comme celui des Etats Unis d’Amérique : à chaque fois qu’un territoire a été élevé au rang d’état, une étoile a été ajoutée au drapeau. Le drapeau brésilien actuel comporte 27 étoiles représentant le district fédéral (et sa capitale Brasilia) et les 26 états.

La disposition des étoiles correspond à l’aspect du ciel de Rio de Janeiro le 15 novembre 1889 à 8h30 ! Enfin, pas tout à fait selon les astronomes qui parlent de vue « cosmique » de la position des étoiles et des constellations ce jour-là. La représentation des étoiles du drapeau respecte presque parfaitement la disposition des constellations autour de la Croix du Sud. (Petit Chien, Grand Chien, Hydre femelle, Carène, Octant, Vierge, Triangle austral, Scorpion).

La date du 15 novembre 1889, inscrite sur la collerette de l’étiquette, est celle de la proclamation de la République. C’est aussi pour les astronomes une date exceptionnelle qui correspond à l’alignement parfait du grand axe de la très symbolique Croix du Sud avec le méridien passant par Rio de Janeiro.

Le bandeau central porte l’inscription « Ordem e Progresso » (ordre et progrès). L’expression est inspirée de la maxime positiviste [3] du philosophe français Auguste Comte dont Benjamin Constant et le professeur Texeira Mendes, entre autres républicains, étaient disciples : «L’amour pour principe, l’ordre pour base, le progrès pour but». Le positivisme était une philosophie qui s’appuyait sur les sciences dites positives, aujourd’hui appelées exactes ou dures, pour définir des lois d’organisation sociale. Introduit par des médecins, le positivisme a eu une grande influence en Amérique latine à la fin du XIXème siècle, à travers les mouvements révolutionnaires qui se sont produits au Brésil, en Argentine, en Uruguay.

La présence de la devise Ordem e Progresso sur le drapeau brésilien témoigne toujours de l’influence qu’a eue ce mouvement sur l’histoire politique du continent sud-américain.

A l’heure ou sont écrites ces lignes (2020), l’ordre règne au Brésil, mais le progrès ?….

Liens et références :

1. Benjamin Constant. https://fr.wikipedia.org/wiki/Benjamin_Constant_Botelho_de_Magalh%C3%A3es

2. Site de la maison de Champagne Henri Abelé. https://maisons-champagne.com/fr/maisons/patrimoine/reims-et-ses-alentours/article/maison-henri-abele-le-sourire-de-reims

3. Monica Ribeiro. Ordre et progrès. Site de la Bibliothèque de France. https://heritage.bnf.fr/france-bresil/fr/ordre-et-progres (NB ce texte n’est plus accessible en ligne au 05/06/2023)

Texte publié initialement le 13/04/2020 sur le site https://des-etiq-racontent.monsite-orange.fr/ ; Mis à jour le 05/06/2023