Sang et or des barres catalanes

De nombreuses étiquettes de vins du Roussillon et de Catalogne arborent les bandes rouges et jaunes, historiquement « Sang et Or », symboles de la Catalogne.

Ce n’est pas le moindre mérite du producteur de cette cuvée « Sang et Or, pure légende » d’AOC Côtes du Roussillon, que de nous conter l’origine des « Quatre Barres » ou « Barres Catalanes ». Ainsi désigne-t-on le signe héraldique qui constitue l’écu Catalan, à l’origine d’un des drapeaux actuels les plus anciens d’Europe. Citons le texte de la contre étiquette :

« La légende confère à ce blason glorieux le qualificatif de « sang et or » : le comte de Barcelone, Guifred « El Pilos » était venu au secours du roi de France, Charles le Chauve (823-877), attaqué par les Normands. Les agresseurs furent repoussés, mais Guifred, qui s’était couvert de gloire, avait été grièvement blessé dans les combats. Le roi vint lui rendre visite et lui jetant les bras autour du cou lui dit : « Que puis-je faire pour vous, noble et vaillant guerrier ? ». Alors Guifred pria le roi de lui donner un blason pour son écu. Le champ à fond d’or était absolument nu. « Devise qui avec le sang s’acquiert, avec le sang doit être écrite » prononça le roi et approchant sa main droite de la blessure d’où le sang coulait en abondance, il y trempa ses doigts moins le pouce, puis les passa de haut en bas sur la face dorée de l’écu. L’écu fut aussitôt présenté au noble guerrier et le roi Charles lui dit : « voilà quelles sont vos armes ». »

Selon une notice de l’ancien site de l’office de tourisme de Perpignan, également consultable sur le site officiel du tourisme catalan [1], le premier témoignage de l’existence de l’écu catalan serait un sceau du Comte Ramon Berenguer IV de Barcelone, descendant de Guifred el Pelut (version catalane de Guifred el Pilos ou Wilfrid « le Velu » !), sur un document provençal datant de 1150. C’est ainsi que les armoiries personnelles du Comte seraient devenues les armoiries de la dynastie catalane puis le drapeau catalan.

Ce site nous rappelle comment ce drapeau, nommé Senyera par les Catalans, fut étroitement associé au combat toujours actuel de la Catalogne pour son indépendance [2], mais aussi à la démocratie face aux dictatures espagnoles:

« L’Union des Peuples Catalans fit des Quatre Barres son emblème officiel. Pendant la dictature du Général Primo de Rivera (1923-1930) puis pendant la période franquiste (1939-1975), le drapeau catalan fut interdit, mais son usage clandestin de disparut jamais. Les Diades Nacionals (fêtes nationales) de 1976, 1977 et 1978 furent marquées par le déploiement de milliers de drapeaux catalans qui flottaient partout en Catalogne. Le Statut d’autonomie de 1979 a repris le texte républicain de 1933 de L’Estatut Interior de Catalunya (Le Statut Intérieur de la Catalogne) : « Le drapeau de Catalogne est le drapeau traditionnel, à quatre barres rouges sur fond jaune ». 

Photo illustrant l’article de Sud-Ouest en ligne [2], légendée : « Un an après le référendum du 1er octobre 2017, le 11 septembre 2018, près d’un million d’indépendantistes ont de nouveau défilé dans les rues du centre de Barcelone, à l’occasion de la fête nationale catalane, la « Diada ». © Crédit photo : LLUIS GENE / AFP »

Liens et références :

1. Le drapeau catalan. Catalunya Experience, site officiel du tourisme catalan. https://www.catalunyaexperience.fr/non-classe/le-drapeau-catalan#:~:text=La%20Generalitat%20de%20Catalogne%20le,barres%20rouges%20sur%20fond%2

2. Cathy Lafon, Indépendance de la Catalogne : la longue histoire d’un vieux rêve. Journal Sud-Ouest. Publié le 01/10/2017, mis à jour le 19/10/2019. https://www.sudouest.fr/2017/10/01/referendum-en-catalogne-la-longue-histoire-d-un-vieux-reve-d-independance-3818929-6109.php

© Texte posté le 13/06/2020

Un des premiers trains espagnols

(Dimension de l’étiquette originale : 121 x 70 mm)

Cette belle étiquette de Champagne du XIXè siècle due à l’imprimeur lithographe Eugène Bruaux d’Epernay, associe une maison de Champagne, un hôtel et un évènement ferroviaire illustré par une antique locomotive à vapeur.

Le Champagne, un Sillery Mousseux, a été produit par la maison Bouché Fils et Cie, fondée à Mareuil sur Aÿ en 1821. Cette prestigieuse maison, qui fournissait les cours d’Italie, de Belgique, d’Espagne et du Portugal, était propriétaire du célèbre vignoble « des Goisses », devenu le « Clos des Goisses » depuis son acquisition en 1935 par la maison de Champagne Philipponnat, également installée à Mareuil sur Aÿ [1].

Nous ne savons rien d’Henry Richard, l’hôtelier qui a probablement commandé cette cuvée spéciale, ou du moins l’étiquette commémorative, ni de son « Hôtel Français ». Aucune trace de cet hôtel, à Murcie, à Carthagène, voire à Madrid n’a été retrouvée.

L’évènement ferroviaire commémoré est l’inauguration de la ligne de chemin de fer entre le port de Cartagena (Carthagène) et Murcia (Murcie), en Espagne. Il s’agit d’un tout petit tronçon de 35 km de la future ligne qui allait relier Madrid-Alicante à Albacete, au sud-est de l’Espagne (voir carte). La construction de cette ligne avait été concédée à la Compagnie des chemins de fer de Madrid à Zaragoza (Saragosse) et Alicante (MZA), qui représentait les intérêts de la famille Rothschild dans l’investissement ferroviaire espagnol, en traditionnelle concurrence avec d’autres français, la société des frères Péreire, qui avaient obtenu des concessions au nord [2].

Il est facile de dater cette étiquette car elle est vraisemblablement contemporaine de l’inauguration de la ligne, le 24 octobre 1862. Cette inauguration s’est faite en grand pompe en présence de la reine Isabel II, qui revenait avec mari et enfants d’un voyage à en Andalousie et dont le bateau avait accosté à Carthagène [3]. La ligne n’était pas tout à fait achevée. A Murcie comme à Carthagène, aucune gare n’était encore construite. Mais l’occasion était trop belle ! Le chroniqueur officiel du voyage royal rapporte que plus de 15 000 personnes rassemblées à Murcie pour recevoir la reine ont poussé un « cri unanime d’enthousiasme » à l’apparition de la locomotive et de son panache de fumée :

Les premiers à descendre du wagon furent les enfants; plus tard, le confesseur de la Reine, l’archevêque Antonio María Claret; le roi, qui portait l’uniforme de capitaine général; et enfin, la Reine, qui « portait une élégante robe rose, avec des ornements cramoisis capricieux, un châle blanc et un riche diadème en or, parsemé d’émeraudes et de rubis ». Isabel II a marché sur «un tapis de fleurs qui avait été renversé à cette fin».

Une photo d’époque de Manuel Dorda (grand notable de Carthagène passionné de photographie) montrant le train en gare en 1862 est reproduite dans l’ouvrage Fotografía en la región de Murcia [4]. Elle est légendée « Llegada del tren. Cartagena 1862 » ce qui signifie « l’arrivée du train. Carthagène 1862 ». Il n’est pas du tout certain qu’elle corresponde au jour de l’inauguration de la ligne, puisque le train n’est pas arrivé à mais parti de Carthagène, et que la maigre assistance contraste un peu avec la foule en délire décrite à Murcie… 

La ligne de chemin de fer n’est entrée en service que 6 mois plus tard, le 1er février 1863. La ligne complète de 240 km a été officiellement achevée le 27 Avril 1865.

Manuel Dorda. Llegada del tren. Cartagena 1862. © Archives Roca-Dorda.

La suite…

Plusieurs mois après mise en ligne de ce texte, surprise ! Je découvre que cette étiquette a une grande sœur, conservée par le département Patrimoine de la médiathèque de la ville d’Epernay, et reproduite dans le livre « L’image du Champagne, de la belle époque aux années folles » de Marie Thérèse Nolleau et Pierre Guy [5]. Elle commémore la création de la ligne ferroviaire entre Chalons Sur Marne (maintenant Chalons en Champagne) et Paris, mise en service en novembre 1849. La composition de l’étiquette est voisine, la locomotive est identique, seul son nom change «California» au lieu de «Cartagena» ! La frise végétale est légèrement différente, et le commanditaire est la maison de Champagne E Armand, de Chalons sur Marne. Le vin est, lui aussi, un Sillery Mousseux.

© Médiathèques d’Epernay

Pour boucler la boucle, signalons que le site de la Médiathèque d’Epernay permet la consultation de très beaux documents numérisés sur le Champagne et de catalogues d’étiquettes lithographiées du XIXème siècle, dont une série complète de la Maison Bouché [6].

Liens et références :

1. Site de la maison de Champagne Philipponnat

2. Compañía de los ferrocarriles de Madrid a Zaragoza y Alicante. https://fr.wikipedia.org/wiki/Compa%C3%B1%C3%ADa_de_los_ferrocarriles_de_Madrid_a_Zaragoza_y_Alicante

3. Pedro SOLER. La real inauguración del ferrocarril Cartagena-Murcia. La verdad de Murcia 2012.  https://www.laverdad.es/murcia/v/20121024/murcia/real-inauguracion-ferrocarril-cartagena-20121024.html

4. Manuel Dorda. Llegada del tren. Cartagena 1862. Archives Roca-Dorda. In : Juan Manuel Díaz Burgos; Murcia Cultural.; Sala de Exposiciones Casa Díaz Cassou. Fotografía en la región de Murcia. Ediciones Tres Fronteras, 2003

5. MT Nolleau, P Guy. L’image du Champagne de la belle époque aux années folles. © Editions Dominique Guéniot, Reims, 2015.

6. Médiathèque d’Epernay. Section patrimoine. Fond patrimonial numérisé consultable en ligne.

© Texte publié le 10/05/2020, mis à jour le 20/09/2020

La véritable histoire du Cid

Dimension de l'étiquette originale : 99 x 130 mm

(Dimension de l’étiquette originale : 99 x 130 mm)

Pour la majorité des lecteurs francophones, « Le Cid » évoque en premier lieu la pièce de théâtre écrite par Pierre Corneille en 1636 et le nom de son héros principal, personnage de fiction. Pour les Espagnols, tel qu’il est représenté sur cette étiquette de Jerez AmontilladoEl Cid correspond à un personnage certes légendaire, mais qui a bel et bien existé. 

Né Rodrigo Díaz de Vivar à Burgos en 1043, chevalier espagnol chrétien puis mercenaire, le Cid a eu une vie mouvementée. Il s’est tout d’abord battu pour les rois de Castille contre le roi Maure de Séville, puis au service des princes de toute l’Espagne orientale, tant chrétiens que musulmans. De cette époque date son surnom de el Cid, qui viendrait de l’arabe assayyid (le seigneur), ou bien al Ka’id (caïd) grade équivalent à celui de général dans les armées mauresques. Il a été effectivement marié à une Chimène (Jimena Díaz), nièce du roi de Castille, qui lui restera fidèle malgré ses alliances opportunistes et ses nombreux revirements. Il est mort le 10 juillet 1099 roi de Valence, ville qu’il avait conquise par les armes quelques années auparavant. Sa veuve Chimène tiendra Valence contre les Maures jusqu’en 1102 avec ses maigres forces, sans véritablement être aidée par son oncle roi de Castille. En évacuant la ville avec sa petite armée, elle emportera les restes du Cid. La légende dit que, pour ne pas décourager ses soldats, Chimène le fit tenir sur son cheval Bavieca, en lui plaçant son épée Tizona dans la main, de façon à ce que tous le croient encore en vie.

Réputé invaincu, le Cid devint rapidement une figure légendaire, symbole de la reconquista espagnole. Son épopée a fait l’objet de récits dès le 12è siècle. Pour sa pièce, Corneille s’est inspiré de faits réels et d’un récit plus tardif Las Mocedades del Cid [1], épopée dramatique de Guillén De Castro (1618).

Le tombeau du Cid, ainsi que celui de sa femme Chimène sont visibles dans la Cathédrale Santa María de Burgos. Ses restes, volés par un soldat de Napoléon Bonaparte en 1809, seraient actuellement en France, en Saône-et-Loire. Son épée Tizona, représentée sur l’étiquette, longtemps exposée au musée de l’armée à Madrid, est actuellement conservée au musée de Burgos [2].

Liens et références :

1. Site Babelio https://www.babelio.com/auteur/Guillen-de-Castro/291815

2. Espada Tizona. Site du musée de Burgos. https://museodeburgos.net/2021/11/24/1087/

Texte publié initialement le 12/04/2020 sur le site orange « des étiquettes racontent » (https://des-etiq-racontent.monsite-orange.fr/page-5e92e6a927a7f.html)