Les quatre sergents de La Rochelle

(Dimension de l’étiquette originale : 118 x 77 mm)

Nous sommes en 1821, la monarchie est restaurée en France après presque 20 années de Révolution et d’Empire. Les ultra-royalistes règnent en maîtres, la presse est bâillonnée. Les partis d’opposition privés de représentation parlementaire se tournent vers l’action clandestine. 

La « charbonnerie », société secrète issue des carbonari italiens, vise à renverser la monarchie restaurée. Elle comporte des membres célèbres, comme le marquis de La Fayette, des savants et d’autres plus modestes, des étudiants et de nombreux militaires des armées napoléoniennes hostiles à la restauration monarchique imposée par l’ennemi. Ceux du 45e régiment de ligne se font remarquer en refusant de crier «Vive le Roi !». Le régiment basé au quartier latin à Paris, foyer de contestation des étudiants, est transféré à La Rochelle en janvier 1822.

Le « Grand soir » de la charbonnerie est fixé au 29 décembre 1821. Des coups de force éclatent à Saumur, Thouars, Belfort, mais La Fayette ayant refusé de s’engager, les opérations échouent. La police chargée de retrouver les comploteurs arrête sur dénonciation quatre jeunes sergents du 45e régiment de La Rochelle, membres de la charbonnerie : François Boriès, 26 ans, Jean Pommier, 25 ans, Charles Raoulx, 24 ans et Charles Goubin, 20 ans.

Ils sont jugés à Paris le 22 août 1822. Fidèles à leur engagement, et malgré les menaces, les pressions et les promesses de grâce, ils refusent de dénoncer les responsables de leur organisation. Les quatre sous-officiers sont condamnés à mort et guillotinés publiquement en place de Grève le 21 septembre 1822.

« Vive la liberté ! » crièrent chacun des quatre condamnés en grimpant sur l’échafaud. « Rappelez-vous que c’est le sang de vos fils qu’on fait couler aujourd’hui ! » ajouta François Boriès. Accusés sans preuve et n’ayant participé à aucune rébellion, ils sont rapidement considérés comme des « martyrs de la liberté ». Leur sacrifice est exploité par l’opposition républicaine, bonapartiste et orléaniste contre le gouvernement de la Restauration.

Leur destin tragique émeut la France entière. Gravures, chansons, pamphlets, œuvres littéraires (Balzac) en font de véritables héros populaires. A La Rochelle, la Tour de la Lanterne où ils ont été emprisonnés porte maintenant leur nom. Par solidarité, plusieurs cabarets se sont rebaptisés “ Aux Quatre Sergents de la Rochelle ”. Les corps des 4 martyrs ont été inhumés à Paris au cimetière du Montparnasse où un monument perpétue leur souvenir.

Cette étiquette de « Royal Champagne des quatre sergents de La Rochelle » n’est pas contemporaine des événements, son style la rapproche des étiquettes lithographiées du début du XXème siècle. Elle a pu être éditée pour le centenaire de leur mort, en 1922, ou signer une cuvée réservée d’un des nombreux restaurant portant leur nom. 

Dans tous les cas, la mention « Royal Champagne » est pour le moins malheureuse, pour une cuvée commémorant quatre martyrs républicains, morts pour la seule raison d’avoir milité contre la monarchie !

Tour des 4 sergents, port de La Rochelle

Liens et références

  • L’histoire des quatre carbonari, bientôt bicentenaire, a fait l’objet d’un essai publié le 3 mars 2021. L’auteur, Jacques-Olivier Boudon, est professeur d’histoire contemporaine à l’Université Paris IV la Sorbonne, spécialiste de la Révolution et de l’Empire.
  • Jacques-Olivier Boudon. Les quatre sergents de la La Rochelle. Le dernier crime de la monarchie. Editions Passés Composés, 2021, ISBN 2379332568

Texte publié initialement le 15/04/2020, modifié le 15/05/2021

Le drapeau brésilien

(Dimension de l’étiquette originale : 117 x 75 mm)

Coupe du monde de football en 2014, Jeux Olympiques de Rio en 2016, mais aussi drame de la déforestation amazonienne, rétablissement d’un pouvoir autoritaire en 2018… Les occasions, heureuses ou non, de voir flotter le drapeau du Brésil n’ont pas manqué. Cette étiquette de Champagne « Drapeau Brésilien » nous en rappelle l’origine et les valeurs que ses créateurs ont voulu transmettre.

Le 15 novembre 1889, la toute nouvelle République des États-Unis du Brésil remplace l’ancien régime impérial. L’étiquette lithographiée date probablement de 1891, année où le célèbre drapeau a été adopté par le gouvernement provisoire de la république sous l’influence du général Benjamin Constant Botelho de Magalhães [1]. A cette époque, l’actuelle maison de champagne Henri Abelé s’appelait du nom de son fondateur flamand, Van der Veken [2].

L’idée du drapeau vient du professeur R. Teixeira Mendes, de son assistant M. Lemos et du professeur Pereira Reis, professeur d’astronomie. Il a été dessiné par le peintre Décio Vilares.

Les principales couleurs du drapeau symboliseraient les richesses du Brésil. Le fond vert représenterait ses forêts luxuriantes, le losange jaune ses richesses aurifères, tandis que le bleu profond de la sphère centrale serait celui de la couleur du ciel tropical. Autre version : le vert et le jaune étaient les couleurs respectives des Bragança et des Habsbourg, dont étaient issus le premier empereur du Brésil Pedro I et son épouse Léopoldine, à l’origine de l’indépendance du pays en 1822.

Dans le bleu du ciel, des étoiles… Elles symbolisent le district fédéral et les états fédérés du pays. Sur cette étiquette du XIXème siècle il y a 21 étoiles, comme sur la première version du drapeau brésilien entre 1889 et 1960. Puis le drapeau a évolué, comme celui des Etats Unis d’Amérique : à chaque fois qu’un territoire a été élevé au rang d’état, une étoile a été ajoutée au drapeau. Le drapeau brésilien actuel comporte 27 étoiles représentant le district fédéral (et sa capitale Brasilia) et les 26 états.

La disposition des étoiles correspond à l’aspect du ciel de Rio de Janeiro le 15 novembre 1889 à 8h30 ! Enfin, pas tout à fait selon les astronomes qui parlent de vue « cosmique » de la position des étoiles et des constellations ce jour-là. La représentation des étoiles du drapeau respecte presque parfaitement la disposition des constellations autour de la Croix du Sud. (Petit Chien, Grand Chien, Hydre femelle, Carène, Octant, Vierge, Triangle austral, Scorpion).

La date du 15 novembre 1889, inscrite sur la collerette de l’étiquette, est celle de la proclamation de la République. C’est aussi pour les astronomes une date exceptionnelle qui correspond à l’alignement parfait du grand axe de la très symbolique Croix du Sud avec le méridien passant par Rio de Janeiro.

Le bandeau central porte l’inscription « Ordem e Progresso » (ordre et progrès). L’expression est inspirée de la maxime positiviste [3] du philosophe français Auguste Comte dont Benjamin Constant et le professeur Texeira Mendes, entre autres républicains, étaient disciples : «L’amour pour principe, l’ordre pour base, le progrès pour but». Le positivisme était une philosophie qui s’appuyait sur les sciences dites positives, aujourd’hui appelées exactes ou dures, pour définir des lois d’organisation sociale. Introduit par des médecins, le positivisme a eu une grande influence en Amérique latine à la fin du XIXème siècle, à travers les mouvements révolutionnaires qui se sont produits au Brésil, en Argentine, en Uruguay.

La présence de la devise Ordem e Progresso sur le drapeau brésilien témoigne toujours de l’influence qu’a eue ce mouvement sur l’histoire politique du continent sud-américain.

A l’heure ou sont écrites ces lignes (2020), l’ordre règne au Brésil, mais le progrès ?….

Liens et références :

1. Benjamin Constant. https://fr.wikipedia.org/wiki/Benjamin_Constant_Botelho_de_Magalh%C3%A3es

2. Site de la maison de Champagne Henri Abelé. https://maisons-champagne.com/fr/maisons/patrimoine/reims-et-ses-alentours/article/maison-henri-abele-le-sourire-de-reims

3. Monica Ribeiro. Ordre et progrès. Site de la Bibliothèque de France. https://heritage.bnf.fr/france-bresil/fr/ordre-et-progres (NB ce texte n’est plus accessible en ligne au 05/06/2023)

Texte publié initialement le 13/04/2020 sur le site https://des-etiq-racontent.monsite-orange.fr/ ; Mis à jour le 05/06/2023

Les cépages des héros de la guerre de 1914-1918

(Dimensions de l’étiquette originale : 125 x 83 mm)

Curieuse étiquette que celle de ce vin rouge de monocépage « Maréchal Foch », produit par une cave coopérative de Bourgogne dans les années 1970 !

Le « Maréchal Foch » est un cépage de raisins noirs créé par Eugène Kuhlmann vers 1911 dans les installations de l’Institut Viticole Oberlin à Colmar, en Alsace, et commercialisé à partir de 1921. D’abord nommé « 188-2 Kuhlmann », il a été dédié au maréchal Foch, commandant en chef des armées alliées en 1918. Ce cépage a été obtenu par croisement (Vitis riparia x Vitis rupestris) x Goldriesling, comme plusieurs autres cépages du même inventeur : « Lucie Kuhlmann », « Léon Millot », « Maréchal Joffre », « Pinard », « Etoile  I», « Etoile II » et « Triomphe d’Alsace ». On voit que pour nommer ses créations, l’inventeur a été fortement influencé par la guerre de 14-18 et son issue heureuse pour l’Alsace francophile.

Le cépage Maréchal Foch produit des vins rouges tanniques, colorés, et des rosés fruités. Il est vigoureux, résiste bien aux parasites et aux climats froids. C’est probablement la raison pour laquelle il subsiste aux Etats-Unis dans l’état d’Oregon et au Canada, particulièrement au Québec, où il représente le premier cépage rouge! Le « Clos du Maréchal », vin québécois produit avec ce cépage (domaine du Ridge, Saint Armand [1]), a été primé à plusieurs reprises. Le cépage Maréchal Foch est autorisé dans de nombreux vignobles français (Bourgogne-Franche Comté, Auvergne, Lorraine, Vallée du Rhône, Provence, Languedoc). Il connaît un certain renouveau en Europe. En 1990, un vigneron breton a planté 600 pieds de Maréchal Foch dans les côtes d’Armor et réussi à garder l’autorisation d’exploiter, soutenu par l’association des vignerons bretons [2]. L’expérience viticole débutée au Danemark en 2000 utilise pour les vins rosés ce cépage et ses cousins, en particulier le Léon Millot, adaptés aux saisons courtes et froides. Pour cette raison, on en cultive encore en Suisse. Ce cépage résistant et nécessitant moins de traitements antifongiques pourrait s’avérer également intéressant pour la viticulture biologique.

Cette étiquette prouve qu’il existait encore récemment des plantations de « Maréchal Foch » à Sainte Marie la Blanche, commune située en Côte d’Or à quelques kilomètres de Beaune, mais dans la plaine et hors appellation.

A l’inverse du Maréchal Joffre, rien dans la biographie de Ferdinand Foch, promu Maréchal de France en août 1918, n’indique un lien quelconque avec le vin ou l’activité viticole. L’hommage d’Eugène Kuhlmann au Maréchal Joffre était doublement heureux puisque en plus d’être un des héros de la grande guerre, il était propriétaire vigneron à Rivesaltes dans le Roussillon, où il est né d’un père tonnelier. Son domaine de 8 hectares, le « Mas Joffre », a été racheté en 1927 par Michel et Aimé Cazes, fondateurs d’un des meilleurs domaines actuels du Roussillon. Cette maison produit un excellent « Canon du Maréchal » rouge, IGP Côtes catalanes, vin produit en biodynamie et composé de … 50% de Syrah et 50% de Grenache [3]. Donc sans lien avec le cépage du même Maréchal.

Liens et références :

1. Site du domaine du Ridge, Québec. http://domaineduridge.com/vins/clos-du-marechal/

2. Association pour la reconnaissance des vins bretons (« Bevet gwin vreizh »). http://vigneronsbretons.over-blog.net/article-21164851.html ; Compte rendu de l’assemblée générale 2017: https://abp.bzh/reunion-et-assemblee-generale-des-vignerons-de-bretagne-43310

3. Site du domaine Cazes à Rivesaltes. https://www.cazes-rivesaltes.com/boutique/canon-du-marechal-rouge/

© Texte initialement publié le 11/04/2020