Du HWK au Vieil Armand…

Cette étiquette de vin d’Alsace pinot gris provient de la Cave du Vieil Armand, coopérative viticole du Haut Rhin en Alsace. Créée en 1959, c’est la plus méridionale du vignoble alsacien, entre Soultz, Guebwiller et Cernay [1].

Une partie de ses vignobles est située sur les contreforts du Vieil Armand, qui est une montagne alsacienne au sud des Vosges. Une jolie montagne boisée qui culmine à 956 mètres, tout près du grand ballon d’Alsace.

En alsacien (et en allemand [2]), ce sommet ne s’appelait pas Vieil Armand, mais Hartmannswillerkopf, qui signifie le sommet (kopf = tête) du Hartmannswiller, nom d’un village en contrebas, dans la plaine alsacienne.

Le Hartmannswillerkopf, haut-lieu de la guerre de 1914-1918

Depuis 1915, le Hartmannswillerkopf (diminutifs HWK ou Hartmann) est inscrit à jamais dans la mémoire de l’Alsace, de la France et de l’Allemagne. Car c’est le site d’une des batailles les plus emblématiques de la guerre de 14-18. Entre décembre 1914 et janvier 1916, les armées allemande et française se sont acharnées à en conquérir le sommet, qui a changé d’occupant 8 fois de suite en quelques mois… En vain [3]. Les états-majors se sont finalement résolus à stabiliser la ligne de front de part et d’autre de ses flancs.

Le sommet tant convoité, arasé, nu, est resté jusqu’en 1918 un no man’s land bordé de tranchées, de bunkers, de fantassins, sentinelles et mitrailleuses ennemies se faisant face à quelques dizaines de mètres, dans le froid, la boue ou la neige. Le front s’est ainsi stabilisé, mais avec d’incessants combats, coups de main de part et d’autre, blessés et morts, jusqu’à l’armistice de 1918.

Le HWK a été appelé « la mangeuse d’homme » ou « la montagne de la mort », par les soldats qui y ont combattu. On estime à 30 000 le nombre de soldats des deux camps morts, blessés ou disparus. Environs 12 000 soldats inconnus reposent dans la crypte du monument national inauguré en 1932 [4].

Photos (stéréoscopiques) prises en octobre et novembre 1916 au HWK par le Dr Bernard François, Médecin aide-Major de 1ère classe au 57è régiment territorial d’infanterie. En bas à G, le HWK vu depuis Silberboch. Au Milieu : poste de secours au sommet du HWK. En haut à D, le sommet du HWK. Autres : Versant nord du HWK. © Collection privée.

La jolie montagne couverte de sapins a ainsi été transformée en un vaste champ de bataille, lunaire, apocalyptique (photos), dont les vestiges sont encore bien visibles. La visite du site est poignante [5, 6]. Le Hartmannswillerkopf est le premier des quatre monuments historiques qui ont reçu l’appellation de « Monument national de la Grande Guerre ».

Du HWK au Vieil Armand

Toutes les cartes touristiques, cartes de la route des vins d’Alsace, panneaux signalétiques actuels ont adopté le nom de « Vieil Armand » au détriment du « Hartmannswillerkopf ». D’où vient cette double dénomination ?

 Il apparait que c’est un général commandant les troupes françaises au HKW, le général Serret, qui aurait inventé le nom de « Vieil Armand », Hartmann étant l’équivalent d’Armand en français. Il l’a en tout cas employé pour la première fois pour désigner ce sommet dans une lettre à son épouse. Le nom de Vieil Armand a ensuite été repris et largement diffusé par les journalistes de presse écrite française, venus régulièrement près du site pour « couvrir » la bataille, puis adopté par les poilus.

Il est resté depuis. Et les arbres ont repoussé, naturellement, avec une faune et une flore spécifique protégée. La montagne est redevenue un lieu de jolies balades, mais avec vue sur des cimetières militaires et une croix sommitale commémorative de tous ceux qui y ont laissé leur vie.

Liens et références :

  1. Site de la cave du Vieil Armand, 1 route de Cernay, Route des Vins d’Alsace 68360 SOULTZ – WUENHEIM. https://www.cavevieilarmand.com/
  2. L’Alsace a été germanique du Moyen Âge au XVIIe siècle, puis française jusqu’en 1870, allemande jusqu’en 1918, et française depuis, à l’exception des quatre années d’annexion par le IIIe Reich.
  3. Chronologie de la bataille du HWK https://www.memorial-hwk.eu/fr/chronologie
  4. Magazine l’Alsace. L’album photos du Hartmannswillerkopf, haut-lieu de la guerre de 1914-1918. © L’Alsace, publié le 11 nov. 2020.  https://c.lalsace.fr/magazine-tourisme-et-patrimoine/2020/11/11/diaporama-l-album-photos-du-hartmannswillerkopf-haut-lieu-de-la-guerre-de-1914-1918
  5. Site officiel du mémorial du Hartmannswillerkopf. https://www.memorial-hwk.eu/
  6. Voir aussi le reportage « 1915, La Bataille du Vieil Armand« , avec reconstitutions, réalisé par Serge Tignères pour la série « Champs de Bataille » publiée sur sa chaîne Youtube.

© Photos et Texte postés le 30/03/2025

L’étiquette de vin illustrant cet article est issue de la collection de l’auteur. Les boissons alcoolisées sont à consommer avec modération.

Les cépages des héros de la guerre de 1914-1918

(Dimensions de l’étiquette originale : 125 x 83 mm)

Curieuse étiquette que celle de ce vin rouge de monocépage « Maréchal Foch », produit par une cave coopérative de Bourgogne dans les années 1970 !

Le « Maréchal Foch » est un cépage de raisins noirs créé par Eugène Kuhlmann vers 1911 dans les installations de l’Institut Viticole Oberlin à Colmar, en Alsace, et commercialisé à partir de 1921. D’abord nommé « 188-2 Kuhlmann », il a été dédié au maréchal Foch, commandant en chef des armées alliées en 1918. Ce cépage a été obtenu par croisement (Vitis riparia x Vitis rupestris) x Goldriesling, comme plusieurs autres cépages du même inventeur : « Lucie Kuhlmann », « Léon Millot », « Maréchal Joffre », « Pinard », « Etoile  I», « Etoile II » et « Triomphe d’Alsace ». On voit que pour nommer ses créations, l’inventeur a été fortement influencé par la guerre de 14-18 et son issue heureuse pour l’Alsace francophile.

Le cépage Maréchal Foch produit des vins rouges tanniques, colorés, et des rosés fruités. Il est vigoureux, résiste bien aux parasites et aux climats froids. C’est probablement la raison pour laquelle il subsiste aux Etats-Unis dans l’état d’Oregon et au Canada, particulièrement au Québec, où il représente le premier cépage rouge! Le « Clos du Maréchal », vin québécois produit avec ce cépage (domaine du Ridge, Saint Armand [1]), a été primé à plusieurs reprises. Le cépage Maréchal Foch est autorisé dans de nombreux vignobles français (Bourgogne-Franche Comté, Auvergne, Lorraine, Vallée du Rhône, Provence, Languedoc). Il connaît un certain renouveau en Europe. En 1990, un vigneron breton a planté 600 pieds de Maréchal Foch dans les côtes d’Armor et réussi à garder l’autorisation d’exploiter, soutenu par l’association des vignerons bretons [2]. L’expérience viticole débutée au Danemark en 2000 utilise pour les vins rosés ce cépage et ses cousins, en particulier le Léon Millot, adaptés aux saisons courtes et froides. Pour cette raison, on en cultive encore en Suisse. Ce cépage résistant et nécessitant moins de traitements antifongiques pourrait s’avérer également intéressant pour la viticulture biologique.

Cette étiquette prouve qu’il existait encore récemment des plantations de « Maréchal Foch » à Sainte Marie la Blanche, commune située en Côte d’Or à quelques kilomètres de Beaune, mais dans la plaine et hors appellation.

A l’inverse du Maréchal Joffre, rien dans la biographie de Ferdinand Foch, promu Maréchal de France en août 1918, n’indique un lien quelconque avec le vin ou l’activité viticole. L’hommage d’Eugène Kuhlmann au Maréchal Joffre était doublement heureux puisque en plus d’être un des héros de la grande guerre, il était propriétaire vigneron à Rivesaltes dans le Roussillon, où il est né d’un père tonnelier. Son domaine de 8 hectares, le « Mas Joffre », a été racheté en 1927 par Michel et Aimé Cazes, fondateurs d’un des meilleurs domaines actuels du Roussillon. Cette maison produit un excellent « Canon du Maréchal » rouge, IGP Côtes catalanes, vin produit en biodynamie et composé de … 50% de Syrah et 50% de Grenache [3]. Donc sans lien avec le cépage du même Maréchal.

Liens et références :

1. Site du domaine du Ridge, Québec. http://domaineduridge.com/vins/clos-du-marechal/

2. Association pour la reconnaissance des vins bretons (« Bevet gwin vreizh »). http://vigneronsbretons.over-blog.net/article-21164851.html ; Compte rendu de l’assemblée générale 2017: https://abp.bzh/reunion-et-assemblee-generale-des-vignerons-de-bretagne-43310

3. Site du domaine Cazes à Rivesaltes. https://www.cazes-rivesaltes.com/boutique/canon-du-marechal-rouge/

© Texte initialement publié le 11/04/2020