

(Dimension des étiquettes originales : 72 x 49 mm)
Il avait presque tout bon, ce pharmacien (de première classe) de l’Isle Jourdain, dans le Gers, ancien diplômé de la Faculté de Toulouse. Vin de coca, vin de kola, il suffisait de les mélanger et de déposer le nom un peu modifié, fortune était faite, ou presque ….
Contrairement à la fable servie par le site officiel de Coca-Cola® France [1], l’invention de la célèbre boisson gazeuse par John Pemberton, pharmacien à Atlanta, ne doit probablement rien au hasard, mais plutôt à un sens aigu de l’opportunisme.
Sa première version de 1886 est une boisson alcoolisée à base de vin français macéré avec des feuilles de coca, des noix de kola et du damiana (Turnera Diffusa). Vendue sous le nom de French Wine Coca, elle n’était en fait qu’une imitation ou une déclinaison du plus célèbre des vins de coca alors commercialisé et célébré dans le monde entier, le vin tonique Mariani, inventé en 1866 par Angelo Mariani, pharmacien et chimiste corse [2]. Les premières lois anti-alcool votées aux USA et à Atlanta ont obligé très tôt Pemberton à modifier la composition de sa boisson, remplacer le vin par une sorte de caramel et de l’eau gazeuse, et la rendre ainsi non alcoolisée. Enfin en théorie, car des analyses récentes tendent à prouver que, comme ses concurrents, le Coca-Cola actuel contient toujours quelques traces d’alcool, moins de 10 mg/litre [3, 4].
Quoi qu’il en soit, il est vraisemblable que le succès des versions initiales du Coca, avec ou sans alcool, comme celle du vin tonique Mariani, a été dû en grande partie à la cocaïne contenue dans la boisson. Selon l’historien Aymon de Lestrange, auteur d’une magnifique anthologie sur le Vin Mariani [2], celui-ci « devait contenir l’équivalent de 110 à 132 mg de cocaïne par bouteille. Deux verres à Bordeaux de Vin Mariani, la dose prescrite par jour, devaient en conséquence contenir environ l’équivalent de à 50 à 70 mg de cocaïne, ce qui correspond à peu près à une ligne de cocaïne inhalée, dépendant de sa taille et du degré de pureté du produit ». Une vraie drogue douce légale ! Pas étonnant que le vin soit dit « tonique », et que même les Papes Léon XIII et Benoit XV en redemandaient (illustration ci-dessous).
L’obligation de décocaïniser les feuilles de coca utilisées dans les boissons est intervenue en 1907 pour le vin Mariani et en 1903 pour le Coca-Cola. La célèbre marque importe et utilise toujours d’authentiques feuilles de coca, décocaïnisées par ses soins, pour la version actuelle de sa boisson [2].

Les papes Léon XIII et Benoit XV amateurs de Vin Mariani (publicités d’époque)
Liens et références :
1. La saga Coca-Cola. Site de Coca-Cola France.
2. Aymon de Lestrange. Angelo Mariani. Le vin de coca et la naissance de la publicité moderne. © Editions Intervalles, 2016.
3. La recette secrète du Coca-Cola enfin dévoilée? par Anne-Laure Pham. L’Express, publié le 14/02/2011
4. Colas, sodas… ce que vous buvez vraiment. 60 Millions de consommateurs. Mensuel – N° 473 – juillet 2012

Etiquette du Vin Tonique du Dr Pélissier, un autre pharmacien français installé dans le Puy de Dôme, issu du mélange de Coca, Kola, quinquina, et censé guérir de nombreuses affections, dont la tuberculose (phtisie) !
Texte publié le 22/04/2020