Une perle nordique …

Cette étiquette « Perle de Lovisa », de Champagne Théophile Roederer et Cie, n’a pas de lien avec la marque australienne de bijouterie fantaisie et de piercing du même nom, bien qu’elle aussi propose des perles [1]. La marque de bijouterie a été créée en 2010 et notre étiquette, une chromolithographie glacée ou « paraffinée », est typique de la fin du XIXème siècle.

Le nom de « Lovisa » et les 3 drapeaux en bas de l’étiquette orientent vers la Scandinavie.

Lovisa, c’est Louise en Suédois. Le haut de l’étiquette arbore une couronne royale. L’étiquette est un hommage à Louise de Suède (1851-1926), fille du roi de Suède. Et très probablement à son mariage en 1869 avec le futur roi du Danemark.

Louise est née à Stockholm en 1851, à une période où les royaumes de Suède et de Norvège étaient unis [2]. C’est ce que traduisent les modèles particuliers des drapeaux norvégien en bas à gauche et suédois en bas à droite de l’étiquette, qui comportent tous les deux dans leur quadrant supérieur gauche, vers la hampe, un autre petit drapeau, carré pour la Norvège, rectangulaire pour la Suède (soyons précis !). Celui-là :

Cette « marque »  commune avait pour but de symboliser l’égalité des deux royaumes unis. Elle servait d’ailleurs de pavillon aux navires de commerce et de drapeau commun aux représentations diplomatiques des deux pays [3].

Drapeaux civils et militaires de la Suède et de la Norvège en 1899. Plaquette publiée par le ministère des affaires étrangères de Suède-Norvège pour annoncer le changement récent (Souce : Wikipedia [3])

Mais tout à une fin. L’union avec la Suède devint très impopulaire en Norvège et en 1899, l’assemblée nationale de Norvège décida d’abolir l’utilisation de l’emblème commun dans les drapeaux nationaux et marchands. Emblème qui resta par contre présent sur les drapeaux suédois jusqu’en 1905, date de la séparation définitive des deux pays et de l’indépendance de la Norvège.

Le drapeau central sur l’étiquette de Champagne est celui du Danemark qui, lui, n’a jamais varié depuis… 1214 !

Pourquoi penser que cette étiquette date de 1869 et commémore le mariage de Lovisa avec Frédéric, futur roi du Danemark, et leur installation à Copenhague en 1869 ? Simple déduction. L’étiquette est postérieure à 1864, date de la création de la marque Théophile Roederer et Cie [4], et antérieure à 1899, puisque cette date correspond à l’abandon de la marque d’union Suède-Norvège sur le drapeau norvégien. Elle ne peut pas avoir commémoré la naissance de Lovisa (1851), ni son accession au titre de reine du Danemark (1906).

Deux autres étiquettes de « Perles » de la fin du XIXème siècle, « Les Perles de la Champagne », véritable Champagne de la maison Renaudin Bollinger, et « Perle des Rheins », habile évocation champenoise pour un Sekt de Mayence !

Liens et références :

1. La page « Perles » ou « Pretty in perls » du site du bijoutier Lovisa (https://www.lovisajewellery.eu/collections/pretty-in-pearl )

2. Site Wikipedia en Français « Drapeau de la Norvège » (https://fr.wikipedia.org/wiki/Drapeau_de_la_Norv%C3%A8ge)

3. Site Wikipedia en Anglais « Flag of Sweden » (https://en.wikipedia.org/wiki/Flag_of_Sweden)

4. Théophile Roederer et Cie,  maison de négoce fondée à Reims en 1864 est à la fois indépendante et liée à l’historique maison Louis Roederer. Cette dernière est beaucoup plus ancienne, créée à Reims en 1776. Louis Roederer est célèbre à la fin du XIXème siècle pour ses succès à l’export en particulier vers la Russie et pour la fameuse cuvée Cristal créée pour le Tsar Alexandre II (voir notre article sur les vins du Tsar). La société Théophile Roederer et Cie, probablement crée par opportunisme commercial à la limite de la contrefaçon (mais jugée légale), a finalement été rachetée par les champagne Louis Roederer en 1904.

© Texte posté le 30/09/2022.

Les étiquettes illustrant cet article sont issues de la collection de l’auteur.