Les vins bio ont la cote. Une enquête Milésime Bio/IPSOS de 2021 [1] indiquait une progression de plus de 50% de la consommation de vins bio en 6 ans. Plus de la moitié des français (54%) déclaraient consommer du vin bio, surtout les citadins, les jeunes, de catégories socioprofessionnelles élevées. En France, les surfaces de vignes cultivées en bio ont augmenté de 22% entre 2020 et 2019 et représentaient 17% du vignoble en 2020.
Cet engouement s’est traduit par l’arrivée de nombreux étiquetages « nature », avec d’inhabituelles lettres de couleur verte sur l’étiquette, des coccinelles, des papillons … (Etiquette 1 , ci-contre)
et d’un nombre croissant de labels, logos, acronymes dans lesquels on se perd toujours un peu : AB, feuille étoilée européenne, Ecocert, HVE, Terra Vitis, Biodynamie, Demeter, Biodvvin, etc…

Etiquette 1 : vin bio de la coopérative des vignerons de l’ile de Ré. Nom de cuvée en référence aux espèces de papillons « azuré »
Schématiquement en termes d’exigences bio (c’est-à-dire pas d’utilisation de produits de synthèse pour les sols, les vignes et le vin), on a du moins au plus : les domaines à haute valeur environnementale (HVE, qui ne sont pas bio), les vins issus de vignes en conversion vers l’agriculture biologique (CAB, Etiquette 2), puis les vins bio.

Etiquette 2. Un exemple assez rare d’étiquetage mentionnant la conversion vers l’agriculture biologique.
La règlementation de 2010 a supprimé les « vins issus de raisins cultivés en agriculture biologique » et les a remplacés par des « vins biologiques » qui doivent obligatoirement, pour mériter cette mention, suivre à la fois le règlement relatif à la culture du raisin et celui relatif à la vinification (Label européen, label AB en France).
Au-delà du bio, des contraintes éthiques, philosophiques, ésotériques
Mais cela ne suffit pas ! Précédés ou lancés par la vague bio, certains producteurs ont voulu aller plus loin et ont ajouté aux critères « bio » d’autres exigences ou contraintes éthiques, philosophiques, voire ésotériques….
C’était déjà le cas de la de la biodynamie, dont les fondements sont anciens (R. Steiner 1861-1925) et reposent sur des théories ésotériques qui font plutôt sourire… ou pas, d’ailleurs ! [2]. Mais qui ont depuis le début respecté une charte de vins bio, bien avant la mode actuelle et les labels officiels. Même si on est sceptique sur le bien-fondé des théories de l’inventeur, on en accepte volontiers le résultat : les vins biodynamiques sont garantis 100% bio et en général excellents, produits par des passionnés respectueux de la qualité et de la nature (Étiquette 3).

Etiquette 3. Larmandier Bernier est une maison familiale de Vertus qui élabore des Champagnes raffinés, délicats et expressifs, en biodynamie depuis plus de 20 ans, ce qui est rare en Champagne [3].
C’est également le cas du label Terra Vitis (Étiquette 4), créé en 1998, qui engage les vignerons adhérents à respecter l’environnement, le sol, la vigne mais aussi les hommes qui la travaillent, sans toutefois répondre totalement aux critères bio [4].


Etiquette 4. Un domaine bourguignon labellisé Terra Vitis et HVE, mais pas (encore ?) bio
Les vins « naturels »
Élaborés sans levures, collage, filtration et sans soufre ajouté (dioxyde de soufre ou SO²), ils relèvent aussi d’un concept philosophique du retour à un produit totalement naturel, exempt de chimie. Les normes bio tolèrent l’adjonction de soufre (SO²) à la dose maximale réduite de moitié par rapport aux normes européennes (label AB). Se passer de soufre, aux propriétés antibactériennes et anti-oxydantes, peut compromettre la stabilité du vin et produire sans soufre est toujours un pari risqué pour le vigneron. Les courageux qui élaborent des cuvées sans soufre adoptent souvent un étiquetage engagé, combattant, voire rebelle (Étiquettes 5). Les vins dits « naturels » ou sans soufre sont en général tous bio.


Etiquettes 5. Résistants, combattants, contestataires, rasta ? Etiquetage de vins naturels sans sulfites…
Les vins « vegan »
Certaines considérations éthiques ont fait apparaître des vins labellisés véganes ou vegan! (Étiquettes 6). J’avoue qu’au début je ne voyais pas où était la part animale (encore moins sa souffrance) dans la production de vin… Peut-être était-ce le labour à cheval ? Quelques domaines d’élite y sont revenus. Souvent en bio, comme une des première coopératives bio de France, les vignerons de Correns (Var) pour leur merveilleuse cuvée « l’Or des Fées »… Ou en biodynamie, à l’exemple de Nicolas Jolly pour la Coulée de Serrant qu’il justifie par les pentes abruptes de ses vignes surplombant la Loire. Non, ce qui fait un vin vegan, c’est qu’il n’est pas collé au blanc d’œuf ni à la colle de poisson, à supposer que cette dernière technique soit encore utilisée…. On frise le ridicule, mais admettons… si le vin est bon !


Etiquettes 6 : Deux étiquettes de Mâcon-Villages et Mâcon-Chardonnay vegan.
Vin durable, bilan carbone
Quel rapport me direz-vous entre le vin et le bilan carbone ? Aucun a priori… Eh bien détrompez-vous. Même si le vin est bio, biodynamique, Terra Vitis ou autre, sa production peut avoir un bilan carbone peu favorable à la durabilité de notre planète.
L’explication, un peu alambiquée, se trouve dans les sites dédiés [5]. J’ai cru comprendre, par exemple, que labourer les parcelles mobilisait du dioxyde de carbone (CO2) stocké dans la terre et participait lentement mais durablement au réchauffement climatique, qui est lui-même à risque pour nos merveilleux cépages de climat tempéré. Pour d’autres, il s’agirait d’un affichage abusif : « être neutre en carbone à l’échelle d’un produit alimentaire ne veut strictement rien dire. Un pays peut l’être, en compensant ses émissions résiduelles par des puits de carbone, mais pas un produit » [6]. Quoi qu’il en soit, des domaines pas nécessairement bio affichent leur neutralité carbone, en voici un exemple (Étiquette 7).

Etiquette 7 : Domaine Montrose, IGP Côtes de Thongue, pas bio mais carbone neutre !
Plus bio que bio : l’emballage éco-responsable
Mais cela ne suffit toujours pas ! Si le vin est exemplaire pour respecter la nature, la planète et sa durabilité, l’emballage doit aussi devenir écolo, ou plus exactement éco-responsable. C’est ainsi qu’on voit apparaître des étiquettes ou contre-étiquettes amusantes.
Comme celle de ce Chinon Pierre Chanau (verlan d’ « Auchan », dont c’est une marque !). La contre étiquette de ce vin labellisé HVE est un véritable rébus, que j’ai compris comme « tout de cette bouteille vide doit se recycler, le bouchon et la coiffe en plastique/alu doivent aller dans le bac de recyclage, la bouteille vide dans le container à verre » ! (Étiquette 8).


Etiquette 8 : Le rébus « recyclage » sur la contre étiquette du Chinon HVE de marque Auchan
Ou mieux comme cette série de (très bons) vins de marque Monoprix d’AOP variées en rouge, rosé, ou blanc (Bergerac blanc sec reproduite en en-tête de cet article et à nouveau ici, Étiquette 9), qui se revendiquent « éco-conçus » avec un nouveau label dédié.

Etiquette 9. Monoprix, le bon élève : des vins éco-conçus qui cochent toutes les cases du politiquement-vert-correct !
Eco-conçu signifie, outre un contenu bio bien sûr, une bouteille allégée en verre, un bouchon recyclable issu de forêts de chênes- lièges durables, une étiquette en fibre de canne à sucre, une colle sans solvant et sans vernis. Seules les encres non polluantes sans solvants toxiques n’ont pas été mentionnées, un oubli sans doute…
Comme l’ironisait en 1980 un grand penseur et poète du pinard obligatoire [7] : « Jusqu’où s’arrêteront-ils » ?!

Liens et références :
1. Observatoire européen de la consommation de bin biologique. Evolution de la consommation de vin bio en Europe. Enquête Millésime Bio/IPSOS, octobre 2021. https://www.millesime-bio.com/app/millesime/files-module/local/documents/Sudvinbio_DP%20Etude%202021%20FINAL.pdf
2. Marine Jeannin. La biodynamie : respect de la terre ou dérive sectaire ? Géo environnement, publié le 14/04/2022. https://www.geo.fr/environnement/biodynamie-definition-principes-et-domaines-dapplication-193785
3. Site du Champagne Larmandier Bernier
4. Site de l’association TERRA VITIS. https://www.terravitis.com/notre-certification/
5. Site « Les vins durables ». https://www.vinsdurables.fr/quel-vin-en-2050-sur-la-route-de-la-neutralite-carbone /
6. Mathieu Saujot, de l’Institut du développement durable et des relations internationales, cité dans l’article de Géraldine Meignan : Les fausses promesses des aliments « neutres en carbone », Marianne, N° 1367, 25-31/05/2023.
7. Coluche. La revue de presse. 1980. Dessin de Sylvain Boursier, reproduit avec son aimable autorisation : http://www.dessinboursier.com/
© Texte posté le 25/05/2023.
Les étiquettes illustrant cet article sont issues de la collection de l’auteur.