Un cépage rare, l’Egiodola

Rien, en apparence, ne fait apparaitre l’originalité de cette étiquette de cuvée Les Quartz du château de la Mercredière, domaine ancien et renommé du Pallet en Loire Atlantique (44330).

L’originalité est cachée dans le cépage de ce vin de France rouge, produit dans la zone du Muscadet de Sèvre et Maine [1]. Lors de l’achat de la bouteille, j’ai demandé par curiosité au vendeur quel en était le cépage, il m’a répondu « Egiodola » … Egio quoi ? EGIODOLA ! Mais quel est donc ce cépage ?

Bien que son nom évoque une origine ibérique, ce cépage rare dit « métis », est d’origine française. Il a été créé avec beaucoup d’autres par Pierre Marcel Durquety, d’origine basque, chercheur en agronomie à Bordeaux .

Agorra,… Arinarnoa, … Arriloba, … Ederena, … Egiodola, … Ekigaïna, … Liliorila, … Odola, … Perdea, … Semebat.

Pour chaque nouveau cépage, P.M. Durquety a inventé un nom original, souvent par néologisme de forme construit à partir de mots de langue basque qui ne s’assemblent pas habituellement dans l’écriture courante, mais qui une fois associés prennent un nouveau sens.

L’Egiodola, sang pur ou pur-sang ?

Ainsi, Egiodola signifie « le sang pur » ou « le sang véritable », d’egi « la vérité ou la pureté » et odola « le sang » en langue basque. C’est un cépage de cuve noir créé en 1954, homologué en 1978 (numéro de clone 600), issu du croisement des cépages Abouriou, originaire du Lot et Garonne, et Tinta da Madeira, venant comme son nom l’indique de l’ile de Madère.

Agorra est un cépage blanc dont le nom signifierait« épuisé ». Arinarnoa signifie le « vin léger », Arin étant la « légèreté, une chose agréable ou versatile » et arnoa « le vin ».  Arriloba signifierait « le neveu de pierre » (Harri « pierre » et loba « neveu »).

Ederena signifie « le plus beau » et Ekigaïna « soleil haut », même origine que mot basque Ekaina pour le mois de juin.  Liliorila signifie probablement « la fleur jaune », de lili horiaLili « fleur » et horia la couleur « jaune ».

Perdea (comme Odola et Agorra) n’est pas un nom composé, c’est une des formes de Basque désignant la couleur verte. Semebat signifie « un fils », de Seme « fils » et de bat correspondant au chiffre « un » [2].

Pierre-Marcel Durquety

Pierre Marcel Durquety (1923-2016) est un ingénieur agronome issu de l’Ecole Nationale Supérieure d’Agronomie (aujourd’hui institut agronomique) de Montpellier. Chercheur à l’INRA de Bordeaux , à la station du Sud-Ouest basée dans le domaine de la Grande Ferrade [3], il a fait de nombreuses recherches sur les maladies de la vigne et sur la création de nouveaux cépages. Entre 1950 et 1980, il a testé de multiples croisements intraspécifiques (c’est-à-dire deux variétés d’une plante d’une même espèce, en l’occurrence vitis vinifera). Parmi eux, l’Egiodola créé en 1954 et les cépages aux noms « basques », détaillés dans le tableau suivant.

Pierre-Marcel Durquety
reproduit avec autorisation © Jean Durquety.

Le but était de trouver des cépages productifs, qualitatifs pour le vin, et résistants aux maladies pour remplacer les cépages peu qualitatifs qui avaient été plantés dans les suites de la crise du phylloxéra.  Sept variétés, 4 rouges et 3 blancs, ont été inscrites officiellement au catalogue des cépages [2]. La plupart s’avèrent assez résistants et adaptés aux changements climatiques récents. En 2020, deux des créations de P.M. Durquety, l’Arinarnoa en rouge et le Liliorila en blanc, ont fait partie des 6 nouveaux cépages autorisés par l’Institut National de l’Origine et de la Qualité (INAO) pour un test à grande échelle dans le Bordelais (4500 vignerons des appellations Bordeaux et Bordeaux supérieur) à des fins d’adaptation du vignoble [4].

A la découverte de l’Egiodola

L’Egiodola est autorisé en France pour faire du vin dans les départements de l’Ardèche, Aude, Aveyron, Corse, Gers, Gironde, Hérault, Landes, Loire-Atlantique, Lot, Lot-et-Garonne, Maine-et-Loire, Nièvre, Pyrénées Atlantiques, Pyrénées Orientales, Tarn-et-Garonne et Var. Sa surface de production est très réduite, 300 hectares en 2004. L’Egiodola donne un vin coloré et très aromatique, assez charpenté, généreux, tannique, avec des notes poivrées et épicées. Il se prête bien aux vins de primeur ou aux vins rosés.

L’Egiodola est souvent utilisé en coupage mais on trouve des cuvées 100% Egiodola rouge ou rosé en Loire Atlantique (au moins 7 producteurs), dans le sud-ouest (au moins 3 producteurs) et dans le Languedoc Roussillon. Les surfaces sont réduites, par exemple 1 ha pour la cuvée Les Quartz du château de la Mercredière qui a motivé cet article [1], entre 0,5 et 1,1 ha pour les autres domaines cités plus loin.  Il s’agit donc de cuvées très confidentielles. L’Egiodola est également cultivé au Brésil [5, 6] et en Suisse [7].

Cuvées d’Egiodola du Brésil (à gauche) et de Suisse (à droite)

Si vous voulez découvrir d’autres vins français 100% Egiodola, vous pourrez en trouver chez les producteurs suivants (liste non exhaustive) :

En Loire Atlantique, Domaine de la Noë, vignobles Drouard à Château-Thébaud  (44690, IGP Val de Loire, uniquement en rosé) ; Domaine de la Chevrue de Yannick Leblé à Vertou (44120, 1,1 ha d’Egiodola décliné en 4 vins rosé, rosé demi sec, rouge et pétillant) ; Domaine Les Hautes Noëlles à Saint Léger les Vignes (44170, 2000 bouteilles d’une cuvée Pléroma, IGP Val de Loire Rouge) ; Domaine Nicolas Suteau à la Remaudière (44430, 0,5 ha d’Egiodola proposé en rosé sec ou en rouge cuvée Le Rouge, et aussi une cuvée Caelia d’Egiodola/Pinot noir) ; La ferme des confluences, de Thomas Foubert, à Saint-Fiacre-sur-Maine (44690, rosé Egiodola IGP Val de Loire)  ; Domaine Bouchaud, Pierre-Luc et Valérie, également à Saint-Fiacre-sur-Maine (cuvée l’Egérie rosé) ;

Cuvées d’Egiodola de Loire Atlantique

En région Occitanie, Domaine de Revel à Vaïssac (82800, zone d’appellation Coteaux du Quercy, cuvée Revel’ation 100% Egiodola, IGP Comté Tolosan) ; Domaine Philémon à Villeneuve-Sur-Vère  (81130, zone d’appellation Gaillac, cuvée Egiodola produite en primeur) ; Cave des vignerons de Tursan / Cave des vignerons des Landes à Geaune (40320, cuvée rouge Exception 100% Egiodola, IGP Coteaux de Chalosse) ; Chateau de Brau à Villemoustaussou dans l’Aude (Cuvée Pure Egiodola, IGP Aude).

Cuvées d’Egiodola d’Occitanie

Il en existe probablement d’autres encore mieux cachés… Attention, les cuvées d’Egiodola citées, même si elles existent ou ont existé, ne se retrouvent pas toujours sur les sites internet des producteurs, il est donc préférable de les contacter directement.

Liens et références :

  1. Site du château de la Mercredière. Cuvée Les Quartz rouge ou rosé, 100% Egiodola  https://www.lamercrediere.com/nos-vins
  2. Pour chacun des cépages crées par P.M. Durquety, voir le site de l’ENTAV-INRA https://selections.entav-inra.fr/fr  et les sites wikipédia.fr correspondants.
  3. En 1921, à la création de l’INRA, La station du Sud Ouest a été constituée au domaine viticole de la Grande Ferrade, actuellement en AOP Pessac-Léognan. https://uevb.bordeaux-aquitaine.hub.inrae.fr/l-unite3/historique
  4. Laurence Lemaire (avec contribution d’ Olivier Yobregat, de l’Institut de la Vigne pôle Sud-Ouest). Le vignoble de Bordeaux va enfin planter de nouveaux cépages. L’hebdo le vin et la chine. https://www.hebdovinchine.com/vignoble-bordeaux-va-enfin-planter-nouveaux-cepages/
  5. L’Egiodola est cultivé à 100-700 m d’altitude dans les vignobles de la Serra Gaúcha, sud du Brésil. Domaines Pizzato vinhos, https://loja.pizzato.net/produto/vinhos-tintos/vinho-seco/pizzato-egiodola-reserva-1?srsltid=AfmBOootdliKz2za_52sjNQRU5R59RcBdaY7y2_B7TYP-9XItrp-fAzf   ;  
  6. Cave de Pedra, vignobles de la Serra Gaúcha, sud du Brésil https://loja.cavedepedra.com.br/vinhos-tintos/cave-de-pedra-reserva-egiodola-750ml
  7. Vins Badan, Didier et Annick Badan, Aigle, Suisse. Cuvée Sensation. https://badanvins.ch/produit/egiodola/

© Texte posté le 05/11/2025

Remerciements : un grand merci à monsieur Jean Durquety pour sa disponibilité, son aide documentaire et pour avoir fourni la photographie de P.M. Durquety

Les étiquettes de vin illustrant cet article sont issues de la collection de l’auteur ou de copies d’écran des sites internet consultés.

L’alcool est dangereux pour la santé. A consommer avec modération.

Etiquettes et blasons

Comme toute collectionneuse ou tout collectionneur,  l’œnographile amasse des étiquettes de vin (ou d’alcool), les trie, les classe, et commence en général par une approche régionale, le plus souvent par appellation. Puis, immanquablement, arrive une très belle étiquette décorée, un tableau moderne, la commémoration d’un personnage célèbre, d’un évènement sportif, musical, culturel ou historique, un hommage au travail de la vigne …

Alors,  le besoin se fait sentir de constituer des thématiques, dont quelques-unes auront sa préférence et seront approfondies. Parmi elles, l’héraldique, les blasons et armoiries, constituent une thématique de choix. Il faut reconnaître que les étiquettes de cette thématique sont impressionnantes, parfois énigmatiques, toujours richement décorées et colorées, comme le confirmeront quelques spécimens reproduits dans cette page.

Même si les armoiries n’étaient pas réservées aux nobles et au clergé, l’héraldique renvoie à la chevalerie et la noblesse, et l’étiquette armoriée confère, à juste titre ou non, des valeurs d’ancienneté, de sérieux et d’excellence au domaine ou au vin qu’elle représente.

Cette étiquette de Sauternes Château ROCARD 1922 devrait intéresser les amateurs de cette thématique. Non qu’elle affiche des armoiries flamboyantes… Mais par le texte du petit bandeau vert qui souligne le modeste blason.

Il rappelle et célèbre un édit royal de du 22 novembre 1696 dont j’ignorais tout. Cet édit de Louis XIV « porte création d’une Grande Maîtrise, établissement d’un Armorial général à Paris, et création de plusieurs maitrises particulières dans les provinces » [1].

Le but avoué dans le préambule du texte de l’édit royal était de recenser toutes les armoiries existantes en France et d’en réglementer le port, afin d’éviter les usurpations, plagiats, appropriations abusives et les conflits qui s’ensuivaient.

Mais l’autre objectif, inavoué et malin, était de faire rentrer de l’argent dans les caisses du royaume, vidées par les précédentes guerres. En effet, l’inscription des armoiries dans l’Armorial général était payante : 20 livres pour les particuliers, 40 livres pour les comtés et marquisats, 50 pour les duchés et pairies, 50 livres aussi pour les évêchés, les cathédrales et les abbayes, 100 pour les grandes villes ou les archevêchés, et jusqu’à 300 livres pour les provinces, pays d’Etat et grands gouvernements. Une amende était prévue pour l’usage d’un blason non enregistré !

Malgré cela, l’initiative n’eut aucun succès. Les particuliers furent totalement réfractaires à l’enregistrement obligatoire, les charges de commissaires créées pour l’occasion afin de sillonner les provinces ne trouvèrent peu ou pas de candidats. Des mesures d’incitation puis de coercition n’évitèrent pas l’échec de l’entreprise et son abandon 4 ans plus tard.

Cet édit nous laisse quand même, outre un enregistrement même incomplet des principales armoiries de l’époque [2], quelques enseignements :

Le premier, assez peu connu, est que le système des armoiries était totalement libre, non réglementé et non réservé à la noblesse, comme l’explique l’avocat Pierre-Jean Ciaudo [3] : « Bien que leurs racines soient guerrières, et  donc nobiliaires, elles (les armoiries) se généralisent à l’ensemble de la société dès le XIIIème siècle où l’on connaît des bourgeois, puis au XIVème des paysans, qui les utilisent pour sceller leurs contrats. D’abord signe de reconnaissance dans les combats, puis expression sigillaire pour l ‘authentification des actes juridiques, leur extension est telle qu’elles deviennent même des marques de fabrique pour les artisans ».

Le second est que cet édit est la première (et a priori la dernière) tentative de l’état français à s’immiscer dans une quelconque régulation ou contrôle des armoiries.

Le troisième, mais là ce n’est pas une surprise, est que l’inventivité des gouvernants est sans limite pour essayer de remplir les caisses de l’état, et ce de tout temps !

Extrait de l’Armorial de France de Charles D’Hozier, généralité de Chalons

Liens et références :

1. Édit… portant création d’une grande maistrise générale et souveraine, et établissement d’un armorial général à Paris, ou dépost public des armes et blasons du Royaume ; et création de plusieurs maistrises particulières dans les provinces… Registré en la Chambre des Comptes Louis XIV (1638-1715; roi de France). https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b86019266.image

2. Charles D’Hozier. Armorial général de France. BNF. Accessible via le site du centre de recherches du Château de Versailles. https://www.chateauversailles-recherche.fr/francais/ressources-documentaires/corpus-electroniques/sources-manuscrites/armorial-general-de-france-par.html

3. Pierre-Jean Ciaudo. L’application de l’édit de novembre 1696 dans la région grassoise. Cahiers de la Méditerranée  Année 1977  15  pp. 49-73. https://www.persee.fr/doc/camed_0395-9317_1977_num_15_1_1441

© Texte posté le 30/11/2021

A part la première, les étiquettes illustrant cet article sont issues de la collection de l’auteur. Choix a été fait de ne sélectionner que des blasons et armoiries comportant du bleu, pardon d’Azur… et des étiquettes décollées qui ont vécu et en gardent quelques traces. Parce que la couleur bleue est assez rare sur les étiquettes et qu’elle ressort particulièrement bien. Et puis aussi parce que ce texte a été débuté avec l’épopée écourtée des bleus lors de l’euro de football et terminé le jour de la victoire historique d’autres valeureux bleus face à l’équipe de Nouvelle Zélande!

La Valse des étiquettes

____________________________________________

« Drôlatiques, coquines ou romantiques, les étiquettes des bouteilles de vin offrent matière à raconter  une histoire… »                 

P. Vavasseur 

____________________________________________

Ne vous est-il jamais arrivé d’acheter une bouteille chez votre caviste de quartier ou au supermarché, uniquement parce que l’étiquette est amusante, le nom du vin original, en clin d’œil ou jeu de mots ?

J’avoue que cela m’arrive souvent… et je suis rarement déçu. Car l’exercice ne souffre pas la médiocrité. Les vignerons qui se prêtent à ce jeu sont en général dotés d’un souci de la qualité doublé d’un solide sens de l’humour voire de la provocation. Ils nomment de façon originale leurs cuvées un peu spéciales, faites de cépages anciens ou interdits dans l’AOP de leur région. Ou bien leurs vins plaisir, à partager entre amis sans se prendre la tête et sans se ruiner. Ils ciblent aussi une clientèle plus jeune, curieuse, moins préoccupée par les méandres et contraintes des appellations officielles. D’ailleurs, ces vins ont souvent l’appellation la plus simple « vin de France », tandis que d’autres arborent toutes les caractéristiques des exigeantes AOP.

Cela a été une joie de découvrir dans le supplément Week-End du journal Le Parisien du 19 juin 2020 [1] un article intitulé « LA VALSE DES ETIQUETTES » qui traite justement de ces (bons) vins achetés pour leur étiquette.

Son auteur, Pierre VAVASSEUR est journaliste, écrivain, grand reporter au Parisien, amoureux des livres et récent créateur d’un très beau blog, lumineux même, consacré à la littérature [2]

Visiblement épicurien, il a composé un poème à partir des vins qu’il aime offrir à ses amis et qu’il choisit, dit-il, en fonction du « petit nom du jaja ».

Je me suis amusé à retrouver les vins qui composent son ode…. Pour une fois, ce n’est pas une, mais près de 75 étiquettes qui nous racontent une histoire !

Voici le poème et son texte d’introduction, reproduits avec l’autorisation de l’auteur et du Parisien, que nous remercions :

« A chaque fois que je suis invité chez des amis, comme l’autre soir par exemple, j’apporte une bouteille choisie en fonction de l’étiquette. Sauf que ce ne sont ni le cru ni le cépage qui m’attirent, mais le petit nom du jaja. Il en existe des amusants, osés, lyriques… tout un poème, autrement dit. Il fallait bien en écrire un. »

Respiration !…..Parmi les 74 noms relevés, des vins de toute la France ou de l’étranger (2 citations), quelques noms de domaines et non de cuvées (la Chouette du Chai, Haut Marin, domaine de la Prose) et même celui d’une brasserie iséroise (la Marmotte masquée) !

Pierre VAVASSEUR, bourguignon de naissance, a très bon goût. En fait de «jaja», sa sélection ne comporte pas de vins bas de gamme, et si quelques-uns ont un prix modéré (entre 5 et 13 euros), la majorité coute quand même  20 à 50 euros et certains atteignent des petits sommets (60 euros les 37,5 cl pour la cuvée Sul Q, on l’est effectivement…). Presque tous sont des vins bio, voire élaborés en biodynamie. Certains vignerons sont très bien représentés, en particulier le domaine d’Anne et Jean-François Ganevat, vignerons réputés du Jura (14 produits). Les vins dont le nom correspond à plus de 3 domaines (ex: cuvées Les Terrasses, les Anges, Plénitude) n’ont pas été détaillés. 

Outre leur habillage, à découvrir dans le carrousel surmontant le poème, les voici par ordre de citation (à consommer avec modération) :

Liens et références :

1. Les mots de Pierre. La valse des étiquettes. © Le Parisien Week-End, supplément au Parisien N° 23376 du vendredi 19 juin 2020.

2. Des minutes de lumière en plus. Blog littéraire de Pierre Vavasseur  

© Texte posté le 10/05/2021

Les vignerons à l’assaut de la COVID-19 !

(Dimensions de l’étiquette originale :  95 x  68 mm ; contre étiquette 55 x 68 mm)

A nouveau, ce blog présentant des étiquettes de vin rares ou originales est  bousculé par l’actualité. Celle qui bouleverse le monde depuis la fin 2019 : la pandémie de COVID-19.

Vignerons, marchands, négociants, œnologues, tous ont eu des idées pour faire face au virus. Sérieuses ou pas… surtout pas d’ailleurs! Mais l’humour et la dérision aident aussi à survivre, non ? Petit florilège, pour tous les stades de la maladie…

LE DEPISTAGE

Tout le monde sait maintenant que de nombreuses personnes infectées par le virus SARS-CoV-2 perdent l’odorat (anosmie) et le gout (agueusie). Cette atteinte neurologique en général bénigne de la COVID-19 concernerait environ 60% des cas. En contexte pandémique, perdre l’odorat est pour beaucoup un indicateur qu’il ou elle a peut-être attrapé le virus et doit se faire tester.

Avec cette cuvée « TEST COVID », Jean-Christophe Mauro, vigneron et propriétaire de la Chapelle Bérard (68 hectares en bio à Saint-Quentin-de-Caplong entre Libourne et Bergerac) joue avec beaucoup d’humour sur la perte de gout et d’odorat liée à la COVID-19.

L’étiquette au graphisme simple et accrocheur est un mode d’emploi :

« Verse-toi un grand verre de vin et sens le.

Si tu arrives à le sentir, goûte-le.

Si tu arrives à le sentir et à le goûter, tu n’as pas la Covid !!! ».

Partie d’une rigolade entre amis, mais aussi d’un souci réfléchi de se démarquer et relancer la vente des vins de sa région, cette cuvée est un vrai succès commercial. Parce que le vin est très bon, bio, proposé à moins de 10 euros la bouteille, les clients y reviennent pour sa qualité après avoir acheté la première bouteille par curiosité et amusement.

Cette cuvée est aussi (si vous avez toujours votre odorat) une invitation à découvrir les autres vins « transgressifs » de Jean-Christophe Mauro [1] : « les flacons flingeurs », étonnants Bordeaux de monocépages, « OOups », un rouge clairet à l’ancienne, « Censuré », un blanc de noirs aromatique et d’une superbe couleur œil de perdrix, ou encore « le Vin qui claque sa mère » !… Des habillages originaux pour de très bons vins bio, ciblant une clientèle jeune et moins « traditionnelle ».

JC Mauro a été imité (voire plagié…) quelques temps après par un autre vigneron, Christophe Avi, propriétaire du domaine du bois de Simon à Laplume (Lot et Garonne), qui a également proposé pour les fêtes de fin d’année 2020 (photo ci-dessous) une cuvée « TEST COVID », un merlot-Tannat 2018 d’AOP Brulhois. 

Là aussi, l’étiquette donne les 3 indications : 1. Servir un verre 2. Sentir le vin 3. Goûter le vin. Et la conclusion « Si vous trouvez du goût et de l’odeur, vous n’avez pas la Covid »

LA DESINFECTION

En cette période de COVID-19, on n’a probablement jamais autant consommé d’alcool… hélas sous la forme non comestible de gel hydro-alcoolique. Pourrait-on envisager comme désinfectant et virucide des formes plus sympathiques d’alcool ?

L’immense et regretté Jacques Puisais, biologiste, œnologue et philosophe, apôtre du « gout juste », avait établi sa résidence à Chinon, en Touraine. 

A 93 ans, il avait ses propres mesures barrières qu’il appliquait à tous ses visiteurs, comme le rappelle un de ses amis [2] :

« (Jacques) avait mis une barrière stricte pour le rencontrer à son domicile. Je l’ai visité à plusieurs reprises pendant les périodes de déconfinement et la procédure était la suivante :

– Masque obligatoire

– Lavage des mains

– Un verre d’eau de vie de prune pour purifier la bouche !!! »

Hélas, cela n’a pas suffi car le virus a fini par emporter Jacques Puisais le 6 décembre 2020.

LES TRAITEMENTS

C’est aussi en Touraine qu’est domiciliée l’Association Nationale d’Oenographilie ou ANO (les collectionneurs d’étiquettes et de documents sur le vin, la bière, les alcools) . Tous les ans, pour son assemblée générale, elle édite des étiquettes pour des cuvées spéciales. En 2020, à cause de la COVID-19, l’AG n’a pu avoir lieu mais l’ANO a maintenu sa tradition et a commandé une cuvée spéciale de Chinon, cher à Jacques Puisais, décorée d’une étiquette humoristique rendant hommage au personnel soignant (déco pour le tour de France cycliste ?) et comportant  un message fort : 

« Une dose de Chinon 2020, mieux que la Chloroquine« .

Message fort et totalement véridique, car il est maintenant admis que la chloroquine n’a aucun effet bénéfique sur la COVID-19…. Un excellent Chinon ne peut donc pas faire moins bien ! Et peut-être mieux, car consommé avec modération, n’est-ce pas un réel antidote à la morosité ? 

LES VACCINS

On retrouve ici Christophe Avi, propriétaire du domaine du bois de Simon (Lot et Garonne) qui propose sa prochaine cuvée thématique : 

« VACCS’VIN »!!

Disponible uniquement à partir de février 2021, comme cela avait été annoncé pour les vrais vaccins !

Et on retrouve également Christophe Mauro, avec une autre cuvée éphémère brocardant l’absence de vaccin français. On n’a pas de vaccin français, mais….

Dans le domaine des « vaccins » anti COVID, la palme de l’humour revient incontestablement à ce gérant d’un magasin de Bruxelles, qui dès mars 2020 avait exposé dans sa vitrine « LE VACCIN DU MOMENT : DEUX CORONAS ACHETEES, UNE MORT SUBITE OFFERTE ». 

Il parlait de bières bien sûr !….

Hélas, son idée a fortement déplu au responsable de la chaine de magasins dont il dépendait, et son vaccin du moment, pas très efficace au demeurant, a dû être retiré.

LA REEDUCATION OLFACTIVE

Terminons sur du plus sérieux. La perte d’odorat ou de goût régresse spontanément dans 50% des cas, le plus souvent en moins de 8 jours. Mais pour certains, elle persiste et peut durer plusieurs mois. Ce qui n’est qu’un désagrément pour tous, surtout les amateurs de vins, devient un drame pour les professionnels du vin (œnologues, sommeliers, vignerons) ou d’autres secteurs (gastronomie, parfumerie). Des services d’ORL ou de neurologie proposaient déjà des programmes de rééducation olfactive, dont le principe repose sur des stimulations répétées de l’odorat par une série d’odeurs ou de flagrances. L’Institut des sciences de la vigne et du vin de l’Université de Bordeaux a repris cette méthode et mis au point un kit de rééducation pour ses étudiants victimes des troubles sensoriels post COVID. La diffusion de ce kit va être élargie au grand public. A Nice aussi, le CHU remet des kits de rééducation olfactive, à base d’échantillons de cires diversement parfumées (aneth, thym, cannelle, girofle, coriandre, vanille, menthe, lavande,…) aux patients atteints, dans le cadre d’une étude visant à évaluer l’efficacité d’une telle rééducation.

Ces initiatives ne font que reprendre, dans un but thérapeutique, le concept du « Nez du Vin » créé dans les années 1980 par Jean Lenoir [4]. Le coffret, associant un livre sur les principes et étapes de la dégustation et des petites fioles contenant des extraits de parfums basiques, a eu un succès mondial. Réédité en plusieurs langues, il a été étendu depuis à l’Armagnac, au Whisky, au café…

N’attendez pas d’attraper le virus pour vous (ré)éduquer.

A votre santé !

© Le Nez du Vin. Editions Jean Lenoir

Liens et références :

1. Site du domaine La chapelle Berard de JC Mauro. www.chapelle-berard.com

2. Le Goût Juste. Blog de Jacques Puisais. Hommage de Roger Pallone. http://jacques-puisais.over-blog.com/2020/12/a-dieu-jacques.html

3. Site de l’Association Nationale d’oenographilie   http://www.associationnationaleoenographilie.com/

(voir aussi la page «  d’autres belles étiquettes« )

4. Cuvée Vaccs’vin, site des vins de Christophe Avi. https://christopheavi.com/vignobles-de-france/regions-viticoles/extra-terroirs/vaccsvin

5.  Le Nez du Vin. Editions Jean Lenoir. https://www.lenez.com/fr/editions-jean-lenoir/concept

© Texte posté le 12/02/2021

Vins disparus, le vin des Queyries…

(Collection particulière)

Contrairement à la première impression, il ne s’agit pas d’une étiquette de Champagne, mais d’une étiquette lithographiée de vin de Bordeaux, rouge très probablement, appelé vin des Queyries. Il provenait de La Bastide, cité intégrée en 1865 à la ville de Bordeaux, qui a connu une grande prospérité entre le XVIIIème siècle et les années 1950.

Dans la seconde édition de 1845 de leur « Traité sur les vins du Médoc et les autres vins rouges et blancs du département de la Gironde » [1], Franck et Fauré citent les vins de Queyries comme les meilleurs vins girondins dits « de Palus » :

« La nature a spécialement consacré le département de la Gironde à la culture de la vigne : les vignobles y prospèrent dans tous les terrains, dans les graves, sur les coteaux, et même dans le sol d’argile qui borde les rivières de la Garonne et de la Dordogne. Ces rivages plantureux qui ont conservé le nom latin de Palus, produisent des vins rouges justement appréciés. La première de toutes les palus est celle des Queyries, située vis-à-vis Bordeaux. C’est cette langue de terre qui des coteaux du Cypressat s’avance, sur la rive droite du fleuve, vers le magnifique croissant que forme le port. »

Plan de Bourdeaux et de ses environs. Fait par Matis [Hippolyte], géographe ordinaire du roy (s.d.) [1716-1717]. Détail sur les vignes du palus de Qaéry et La Bastide, face au port de la lune et aux Chartrons

Vins robustes de coupage, mais aussi vins consommés en propre, en cuvée millésimée et avec étiquetage assez luxueux, comme le prouve cette étiquette de 1839. Selon Franck et Fauré, les vins des Queyries se prêtaient bien à la l’épreuve du « retour des Indes », consistant à faire voyager aux tropiques les vins dans les cales des voiliers, aller et retour, afin de les bonifier. « Alors que les voyages de long cours étaient moins rapides, les Queyries étaient très recherchés; on aurait eu crainte d’exposer longtemps aux ardeurs tropicales des vins plus légers ; on en faisait même revenir d’outre-mer pour leur donner par ce double voyage une haute valeur très-renommée. ».

Cette technique étonnante et coûteuse s’adressait essentiellement aux vins robustes : «Certains vins très alcooliques, chargés d’éléments qu’ils ont besoin de dépouiller pour vieillir, les Porto, les Xérès, parfois même des Bordeaux ou des Bourgognes très corsés, mûrissent plus rapidement si on les soumet pendant un certain temps à un brassage, particulièrement à celui d’un voyage en mer. » (Paul Cassagnac Les Vins de France Hachette 1927).

Bouteilles et étiquettes de  cuvées « Retour des Indes » de Château Pontet Canet, Château Lafitte, et de Château Chasse Spleen 1864. source : Page FB Duperé BarreraL’origine de ces vins remonterait à Gaspard d’Estournel, propriétaire du Château Cos d’Estournel à Saint Estèphe [2]

La vigne a déserté les palus de ces bords de la gironde, industrialisés et urbanisés depuis bien longtemps. Le site « quai de Queyries, mon amour » rappelle l’histoire des queyries, liées aux pierres de l’Entre-Deux-Mers acheminées à Bordeaux par voie fluviale [3]. Extrait :

« Les pierres des coteaux de l’Entre Deux Mers étaient transportées jusqu’à la Garonne, par voie fluviale, le long des « esteys » (cours d’eau) qui traversaient les plaines des Queyries, anciens marécages nouvellement asséchés. Dans ces plaines fertiles, on faisait pousser des vignes de palus, qui donnaient les vins des Queyries, très connus et appréciés au XVIIIème siècle.

Lors de la construction du premier pont de Bordeaux, le Pont de pierre, en 1822, les quais Queyries et Deschamps, l’un en aval, l’autre en amont du pont, sur la rive droite, dans le quartier de la Bastide, commencèrent à s’industrialiser. Les industries firent disparaître les vignobles. La première grande gare bordelaise, desservant la ligne Bordeaux Paris, fut construite sur le quai des Queyries en 1852. La Bastide était riche et puissante. La ville de Bordeaux réussit alors, après de nombreuses difficultés [4], à annexer ce quartier qui faisait pourtant partie de la commune de Cenon. En 1865 Cenon la Bastide devint Bordeaux Bastide.

Le quai des Queyries, avec sa gare, sa gare maritime, ses appontements, ses entreprises, ses usines, son transbordeur aérien pour le charbon, ses docks, ses chantiers navals, connut jusque dans les années 1950 une prospérité inégalée. Abandonné à partir des années 1970, il se couvrit de friches industrielles envahies par les ronces. »

Actuellement, il existe un Clos des Queyries situé dans le quartier de La Bastide à Bordeaux, très joli bâtiment du XVIIIè-XIXè siècle entourée d’un parc, transformé en chambre d’hôtes de charme et de luxe [5]. Peut-être le château d’une ancienne propriété viticole ?

Le Clos des Queyries, matin de septembre. Un havre de calme, de verdure, de fraicheur proche du centre historique de Bordeaux. Accueil très chaleureux, on recommande !

Liens et références :

1. Jean-Joseph Fauré et William Franck. Traité sur les vins du Médoc et les autres vins rouges et blancs du département de la Gironde (2e édition revue, augmentée et accompagnée d’une carte…)Chaumas Editeur, Bordeaux1845. Accédé par le site GALLICA https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k6529165f/texteBrut

2. Indiablognote. Retour des Indes, l’explication.  http://www.indiablognote.com/article-retour-des-indes-l-explication-45588529.html (lien inaccessible depuis 2021)

3. Site internet « quai de Queyries, mon amour ». Ce site créé en 2003 par Christophe Laichouchen, riche de textes et de photographies, était accessible en 2020 lors de la première publication de cet article, reste référencé sur wordpress mais hélas non accessible lors de la mise à jour de 2023.  Espérons une prochaine remise en ligne de ce très beau site … http://www.quaidequeyries.net/

4. Alexandre Saramite, Essai d’un point de vue géopolitique sur le pont Bacalan-Bastide à Bordeaux, 2011. Les premiers chapitres de ce travail sur le « pont Chaban Delmas » détaillent de façon vivante et illustrée l’historique des difficultés de communication entre les deux rives de la Garonne à Bordeaux. https://www.academia.edu/12225180/Essai_dun_point_de_vue_g%C3%A9opolitique_sur_le_pont_Bacalan_Bastide_Chaban_Delmas_%C3%A0_Bordeaux

5. Site du Clos des Queyries. https://www.leclosdesqueyries.com/

© Texte posté le 27/06/2020, mis à jour le 04/09/2023

Les Cadillac

Tous les éléments sont réunis sur cette étiquette délicieusement kitch de Cadillac « Château Le Gascon » pour raconter une histoire extraordinaire. Celle qui relie le vin de Cadillac et la marque automobile du même nom.

La voiture, d’abord : cette Cadillac est un cabriolet convertible série 6200, fabriqué en 1959. Voiture mythique, voiture de star, …. rose bien sûr !

Le vin, ensuite : le Cadillac est un vin blanc liquoreux du bordelais dont la qualité a été reconnue par une AOC/AOP propre en 1973. La ville de Cadillac est une ancienne bastide située sur la Garonne dans l’Entre deux Mers. La zone de production, qui couvre 22 communes autour de Cadillac, est voisine des AOC/AOP Loupiac et Sainte Croix du Mont. Le vignoble produit également d’excellents vins rouges d’appellation « Cadillac Côtes de Bordeaux », AOC/AOP qui a remplacé en 2009 l’AOC « Premières Côtes de Bordeaux rouges », ainsi que des vins blanc sec « Première Côtes de Bordeaux Blanc ».

Mais quel lien unit les deux « Cadillac », le vin et la voiture ?

C’est un homme, Antoine de Lamothe-Launay, sieur de Cadillac.

.

Jeune officier de l’armée française, arrivé en aventurier au Canada et en Amérique du Nord, il y a fait rapidement son chemin, a commandé plusieurs forts et a fondé en 1701 la « Ville d’Etroit», devenue Detroit, future capitale de l’industrie automobile américaine [1]. En 1902, dans l’enthousiasme des commémorations du bicentenaire de la fondation de Detroit, les créateurs de l’entreprise automobile décident de baptiser leur firme « Cadillac », du nom du fondateur de la ville. En 1906, les armoiries du « sieur de Cadillac » sont retenues comme logo par le constructeur. Elles ornent depuis, dans des versions de plus en plus stylisées ou tronquées, les calandres des Cadillac [2, 3].

Le seul accroc à cette belle histoire, c’est que Lamothe-Cadillac n’est pas le vrai nom de notre aventurier, et que ses armoiries ont été bricolées à partir de celles d’autres familles ! Le fondateur de Detroit se nommait en fait Antoine Laumet [1]. Il s’est inventé une nouvelle identité plus flatteuse à son arrivée en Nouvelle-France, pratique courante à l’époque. Sa nouvelle identité, ainsi qu’une partie des armoiries, ont été « empruntées » au baron de Lamothe-Bardigues, seigneur de Cadillac et de Launay. Notre Antoine, natif de Saint-Nicolas de la Grave (Tarn-et-Garonne), n’avait donc aucun rapport direct avec la ville de Cadillac, mais était un véritable gascon.

Notons pour terminer que le château Le Gascon, s’il évoque les vraies origines du faux « Sieur de Cadillac », tient surtout son nom du lieudit « Gascon » de la commune de Loupiac, limitrophe de Cadillac, où est située la propriété. Etonnante coïncidence !

Liens et références :

1. Édouard Forestié, «Lamothe-Cadillac, fondateur de la ville de Détroit (Michigan), gouverneur de la Louisiane et de Castelsarrasin. – Notes complémentaires», Bulletin archéologique et historique de la Société archéologique de Tarn-et-Garonne, 1907, tome 35, p. 175-196. https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k5663511j/f197.image

2. Cadillac Logo Meaning and History (© 2019 Car Brand Names). http://www.car-brand-names.com/cadillac-logo/

3. Blog oklahoccitania :  http://oklahoccitania.canalblog.com/archives/2009/02/04/12180653.html

© Texte posté le 15/05/2020