Rien, en apparence, ne fait apparaitre l’originalité de cette étiquette de cuvée Les Quartz du château de la Mercredière, domaine ancien et renommé du Pallet en Loire Atlantique (44330).
L’originalité est cachée dans le cépage de ce vin de France rouge, produit dans la zone du Muscadet de Sèvre et Maine [1]. Lors de l’achat de la bouteille, j’ai demandé par curiosité au vendeur quel en était le cépage, il m’a répondu « Egiodola » … Egio quoi ? EGIODOLA ! Mais quel est donc ce cépage ?
Bien que son nom évoque une origine ibérique, ce cépage rare dit « métis », est d’origine française. Il a été créé avec beaucoup d’autres par Pierre Marcel Durquety, d’origine basque, chercheur en agronomie à Bordeaux .
Agorra,… Arinarnoa, … Arriloba, … Ederena, … Egiodola, … Ekigaïna, … Liliorila, … Odola, … Perdea, … Semebat.
Pour chaque nouveau cépage, P.M. Durquety a inventé un nom original, souvent par néologisme de forme construit à partir de mots de langue basque qui ne s’assemblent pas habituellement dans l’écriture courante, mais qui une fois associés prennent un nouveau sens.
L’Egiodola, sang pur ou pur-sang ?
Ainsi, Egiodola signifie « le sang pur » ou « le sang véritable », d’egi « la vérité ou la pureté » et odola « le sang » en langue basque. C’est un cépage de cuve noir créé en 1954, homologué en 1978 (numéro de clone 600), issu du croisement des cépages Abouriou, originaire du Lot et Garonne, et Tinta da Madeira, venant comme son nom l’indique de l’ile de Madère.
Agorra est un cépage blanc dont le nom signifierait« épuisé ». Arinarnoa signifie le « vin léger », Arin étant la « légèreté, une chose agréable ou versatile » et arnoa « le vin ». Arriloba signifierait « le neveu de pierre » (Harri « pierre » et loba « neveu »).
Ederena signifie « le plus beau » et Ekigaïna « soleil haut », même origine que mot basque Ekaina pour le mois de juin. Liliorila signifie probablement « la fleur jaune », de lili horia, Lili « fleur » et horia la couleur « jaune ».
Perdea (comme Odola et Agorra) n’est pas un nom composé, c’est une des formes de Basque désignant la couleur verte. Semebat signifie « un fils », de Seme « fils » et de bat correspondant au chiffre « un » [2].
Pierre-Marcel Durquety
Pierre Marcel Durquety (1923-2016) est un ingénieur agronome issu de l’Ecole Nationale Supérieure d’Agronomie (aujourd’hui institut agronomique) de Montpellier. Chercheur à l’INRA de Bordeaux , à la station du Sud-Ouest basée dans le domaine de la Grande Ferrade [3], il a fait de nombreuses recherches sur les maladies de la vigne et sur la création de nouveaux cépages. Entre 1950 et 1980, il a testé de multiples croisements intraspécifiques (c’est-à-dire deux variétés d’une plante d’une même espèce, en l’occurrence vitis vinifera). Parmi eux, l’Egiodola créé en 1954 et les cépages aux noms « basques », détaillés dans le tableau suivant.

reproduit avec autorisation © Jean Durquety.

Le but était de trouver des cépages productifs, qualitatifs pour le vin, et résistants aux maladies pour remplacer les cépages peu qualitatifs qui avaient été plantés dans les suites de la crise du phylloxéra. Sept variétés, 4 rouges et 3 blancs, ont été inscrites officiellement au catalogue des cépages [2]. La plupart s’avèrent assez résistants et adaptés aux changements climatiques récents. En 2020, deux des créations de P.M. Durquety, l’Arinarnoa en rouge et le Liliorila en blanc, ont fait partie des 6 nouveaux cépages autorisés par l’Institut National de l’Origine et de la Qualité (INAO) pour un test à grande échelle dans le Bordelais (4500 vignerons des appellations Bordeaux et Bordeaux supérieur) à des fins d’adaptation du vignoble [4].
A la découverte de l’Egiodola
L’Egiodola est autorisé en France pour faire du vin dans les départements de l’Ardèche, Aude, Aveyron, Corse, Gers, Gironde, Hérault, Landes, Loire-Atlantique, Lot, Lot-et-Garonne, Maine-et-Loire, Nièvre, Pyrénées Atlantiques, Pyrénées Orientales, Tarn-et-Garonne et Var. Sa surface de production est très réduite, 300 hectares en 2004. L’Egiodola donne un vin coloré et très aromatique, assez charpenté, généreux, tannique, avec des notes poivrées et épicées. Il se prête bien aux vins de primeur ou aux vins rosés.
L’Egiodola est souvent utilisé en coupage mais on trouve des cuvées 100% Egiodola rouge ou rosé en Loire Atlantique (au moins 7 producteurs), dans le sud-ouest (au moins 3 producteurs) et dans le Languedoc Roussillon. Les surfaces sont réduites, par exemple 1 ha pour la cuvée Les Quartz du château de la Mercredière qui a motivé cet article [1], entre 0,5 et 1,1 ha pour les autres domaines cités plus loin. Il s’agit donc de cuvées très confidentielles. L’Egiodola est également cultivé au Brésil [5, 6] et en Suisse [7].

Si vous voulez découvrir d’autres vins français 100% Egiodola, vous pourrez en trouver chez les producteurs suivants (liste non exhaustive) :
En Loire Atlantique, Domaine de la Noë, vignobles Drouard à Château-Thébaud (44690, IGP Val de Loire, uniquement en rosé) ; Domaine de la Chevrue de Yannick Leblé à Vertou (44120, 1,1 ha d’Egiodola décliné en 4 vins rosé, rosé demi sec, rouge et pétillant) ; Domaine Les Hautes Noëlles à Saint Léger les Vignes (44170, 2000 bouteilles d’une cuvée Pléroma, IGP Val de Loire Rouge) ; Domaine Nicolas Suteau à la Remaudière (44430, 0,5 ha d’Egiodola proposé en rosé sec ou en rouge cuvée Le Rouge, et aussi une cuvée Caelia d’Egiodola/Pinot noir) ; La ferme des confluences, de Thomas Foubert, à Saint-Fiacre-sur-Maine (44690, rosé Egiodola IGP Val de Loire) ; Domaine Bouchaud, Pierre-Luc et Valérie, également à Saint-Fiacre-sur-Maine (cuvée l’Egérie rosé) ;

En région Occitanie, Domaine de Revel à Vaïssac (82800, zone d’appellation Coteaux du Quercy, cuvée Revel’ation 100% Egiodola, IGP Comté Tolosan) ; Domaine Philémon à Villeneuve-Sur-Vère (81130, zone d’appellation Gaillac, cuvée Egiodola produite en primeur) ; Cave des vignerons de Tursan / Cave des vignerons des Landes à Geaune (40320, cuvée rouge Exception 100% Egiodola, IGP Coteaux de Chalosse) ; Chateau de Brau à Villemoustaussou dans l’Aude (Cuvée Pure Egiodola, IGP Aude).

Il en existe probablement d’autres encore mieux cachés… Attention, les cuvées d’Egiodola citées, même si elles existent ou ont existé, ne se retrouvent pas toujours sur les sites internet des producteurs, il est donc préférable de les contacter directement.
Liens et références :
- Site du château de la Mercredière. Cuvée Les Quartz rouge ou rosé, 100% Egiodola https://www.lamercrediere.com/nos-vins
- Pour chacun des cépages crées par P.M. Durquety, voir le site de l’ENTAV-INRA https://selections.entav-inra.fr/fr et les sites wikipédia.fr correspondants.
- En 1921, à la création de l’INRA, La station du Sud Ouest a été constituée au domaine viticole de la Grande Ferrade, actuellement en AOP Pessac-Léognan. https://uevb.bordeaux-aquitaine.hub.inrae.fr/l-unite3/historique
- Laurence Lemaire (avec contribution d’ Olivier Yobregat, de l’Institut de la Vigne pôle Sud-Ouest). Le vignoble de Bordeaux va enfin planter de nouveaux cépages. L’hebdo le vin et la chine. https://www.hebdovinchine.com/vignoble-bordeaux-va-enfin-planter-nouveaux-cepages/
- L’Egiodola est cultivé à 100-700 m d’altitude dans les vignobles de la Serra Gaúcha, sud du Brésil. Domaines Pizzato vinhos, https://loja.pizzato.net/produto/vinhos-tintos/vinho-seco/pizzato-egiodola-reserva-1?srsltid=AfmBOootdliKz2za_52sjNQRU5R59RcBdaY7y2_B7TYP-9XItrp-fAzf ;
- Cave de Pedra, vignobles de la Serra Gaúcha, sud du Brésil https://loja.cavedepedra.com.br/vinhos-tintos/cave-de-pedra-reserva-egiodola-750ml
- Vins Badan, Didier et Annick Badan, Aigle, Suisse. Cuvée Sensation. https://badanvins.ch/produit/egiodola/
© Texte posté le 05/11/2025
Remerciements : un grand merci à monsieur Jean Durquety pour sa disponibilité, son aide documentaire et pour avoir fourni la photographie de P.M. Durquety
Les étiquettes de vin illustrant cet article sont issues de la collection de l’auteur ou de copies d’écran des sites internet consultés.
L’alcool est dangereux pour la santé. A consommer avec modération.






















































































