Un cépage rare, l’Egiodola

Rien, en apparence, ne fait apparaitre l’originalité de cette étiquette de cuvée Les Quartz du château de la Mercredière, domaine ancien et renommé du Pallet en Loire Atlantique (44330).

L’originalité est cachée dans le cépage de ce vin de France rouge, produit dans la zone du Muscadet de Sèvre et Maine [1]. Lors de l’achat de la bouteille, j’ai demandé par curiosité au vendeur quel en était le cépage, il m’a répondu « Egiodola » … Egio quoi ? EGIODOLA ! Mais quel est donc ce cépage ?

Bien que son nom évoque une origine ibérique, ce cépage rare dit « métis », est d’origine française. Il a été créé avec beaucoup d’autres par Pierre Marcel Durquety, d’origine basque, chercheur en agronomie à Bordeaux .

Agorra,… Arinarnoa, … Arriloba, … Ederena, … Egiodola, … Ekigaïna, … Liliorila, … Odola, … Perdea, … Semebat.

Pour chaque nouveau cépage, P.M. Durquety a inventé un nom original, souvent par néologisme de forme construit à partir de mots de langue basque qui ne s’assemblent pas habituellement dans l’écriture courante, mais qui une fois associés prennent un nouveau sens.

L’Egiodola, sang pur ou pur-sang ?

Ainsi, Egiodola signifie « le sang pur » ou « le sang véritable », d’egi « la vérité ou la pureté » et odola « le sang » en langue basque. C’est un cépage de cuve noir créé en 1954, homologué en 1978 (numéro de clone 600), issu du croisement des cépages Abouriou, originaire du Lot et Garonne, et Tinta da Madeira, venant comme son nom l’indique de l’ile de Madère.

Agorra est un cépage blanc dont le nom signifierait« épuisé ». Arinarnoa signifie le « vin léger », Arin étant la « légèreté, une chose agréable ou versatile » et arnoa « le vin ».  Arriloba signifierait « le neveu de pierre » (Harri « pierre » et loba « neveu »).

Ederena signifie « le plus beau » et Ekigaïna « soleil haut », même origine que mot basque Ekaina pour le mois de juin.  Liliorila signifie probablement « la fleur jaune », de lili horiaLili « fleur » et horia la couleur « jaune ».

Perdea (comme Odola et Agorra) n’est pas un nom composé, c’est une des formes de Basque désignant la couleur verte. Semebat signifie « un fils », de Seme « fils » et de bat correspondant au chiffre « un » [2].

Pierre-Marcel Durquety

Pierre Marcel Durquety (1923-2016) est un ingénieur agronome issu de l’Ecole Nationale Supérieure d’Agronomie (aujourd’hui institut agronomique) de Montpellier. Chercheur à l’INRA de Bordeaux , à la station du Sud-Ouest basée dans le domaine de la Grande Ferrade [3], il a fait de nombreuses recherches sur les maladies de la vigne et sur la création de nouveaux cépages. Entre 1950 et 1980, il a testé de multiples croisements intraspécifiques (c’est-à-dire deux variétés d’une plante d’une même espèce, en l’occurrence vitis vinifera). Parmi eux, l’Egiodola créé en 1954 et les cépages aux noms « basques », détaillés dans le tableau suivant.

Pierre-Marcel Durquety
reproduit avec autorisation © Jean Durquety.

Le but était de trouver des cépages productifs, qualitatifs pour le vin, et résistants aux maladies pour remplacer les cépages peu qualitatifs qui avaient été plantés dans les suites de la crise du phylloxéra.  Sept variétés, 4 rouges et 3 blancs, ont été inscrites officiellement au catalogue des cépages [2]. La plupart s’avèrent assez résistants et adaptés aux changements climatiques récents. En 2020, deux des créations de P.M. Durquety, l’Arinarnoa en rouge et le Liliorila en blanc, ont fait partie des 6 nouveaux cépages autorisés par l’Institut National de l’Origine et de la Qualité (INAO) pour un test à grande échelle dans le Bordelais (4500 vignerons des appellations Bordeaux et Bordeaux supérieur) à des fins d’adaptation du vignoble [4].

A la découverte de l’Egiodola

L’Egiodola est autorisé en France pour faire du vin dans les départements de l’Ardèche, Aude, Aveyron, Corse, Gers, Gironde, Hérault, Landes, Loire-Atlantique, Lot, Lot-et-Garonne, Maine-et-Loire, Nièvre, Pyrénées Atlantiques, Pyrénées Orientales, Tarn-et-Garonne et Var. Sa surface de production est très réduite, 300 hectares en 2004. L’Egiodola donne un vin coloré et très aromatique, assez charpenté, généreux, tannique, avec des notes poivrées et épicées. Il se prête bien aux vins de primeur ou aux vins rosés.

L’Egiodola est souvent utilisé en coupage mais on trouve des cuvées 100% Egiodola rouge ou rosé en Loire Atlantique (au moins 7 producteurs), dans le sud-ouest (au moins 3 producteurs) et dans le Languedoc Roussillon. Les surfaces sont réduites, par exemple 1 ha pour la cuvée Les Quartz du château de la Mercredière qui a motivé cet article [1], entre 0,5 et 1,1 ha pour les autres domaines cités plus loin.  Il s’agit donc de cuvées très confidentielles. L’Egiodola est également cultivé au Brésil [5, 6] et en Suisse [7].

Cuvées d’Egiodola du Brésil (à gauche) et de Suisse (à droite)

Si vous voulez découvrir d’autres vins français 100% Egiodola, vous pourrez en trouver chez les producteurs suivants (liste non exhaustive) :

En Loire Atlantique, Domaine de la Noë, vignobles Drouard à Château-Thébaud  (44690, IGP Val de Loire, uniquement en rosé) ; Domaine de la Chevrue de Yannick Leblé à Vertou (44120, 1,1 ha d’Egiodola décliné en 4 vins rosé, rosé demi sec, rouge et pétillant) ; Domaine Les Hautes Noëlles à Saint Léger les Vignes (44170, 2000 bouteilles d’une cuvée Pléroma, IGP Val de Loire Rouge) ; Domaine Nicolas Suteau à la Remaudière (44430, 0,5 ha d’Egiodola proposé en rosé sec ou en rouge cuvée Le Rouge, et aussi une cuvée Caelia d’Egiodola/Pinot noir) ; La ferme des confluences, de Thomas Foubert, à Saint-Fiacre-sur-Maine (44690, rosé Egiodola IGP Val de Loire)  ; Domaine Bouchaud, Pierre-Luc et Valérie, également à Saint-Fiacre-sur-Maine (cuvée l’Egérie rosé) ;

Cuvées d’Egiodola de Loire Atlantique

En région Occitanie, Domaine de Revel à Vaïssac (82800, zone d’appellation Coteaux du Quercy, cuvée Revel’ation 100% Egiodola, IGP Comté Tolosan) ; Domaine Philémon à Villeneuve-Sur-Vère  (81130, zone d’appellation Gaillac, cuvée Egiodola produite en primeur) ; Cave des vignerons de Tursan / Cave des vignerons des Landes à Geaune (40320, cuvée rouge Exception 100% Egiodola, IGP Coteaux de Chalosse) ; Chateau de Brau à Villemoustaussou dans l’Aude (Cuvée Pure Egiodola, IGP Aude).

Cuvées d’Egiodola d’Occitanie

Il en existe probablement d’autres encore mieux cachés… Attention, les cuvées d’Egiodola citées, même si elles existent ou ont existé, ne se retrouvent pas toujours sur les sites internet des producteurs, il est donc préférable de les contacter directement.

Liens et références :

  1. Site du château de la Mercredière. Cuvée Les Quartz rouge ou rosé, 100% Egiodola  https://www.lamercrediere.com/nos-vins
  2. Pour chacun des cépages crées par P.M. Durquety, voir le site de l’ENTAV-INRA https://selections.entav-inra.fr/fr  et les sites wikipédia.fr correspondants.
  3. En 1921, à la création de l’INRA, La station du Sud Ouest a été constituée au domaine viticole de la Grande Ferrade, actuellement en AOP Pessac-Léognan. https://uevb.bordeaux-aquitaine.hub.inrae.fr/l-unite3/historique
  4. Laurence Lemaire (avec contribution d’ Olivier Yobregat, de l’Institut de la Vigne pôle Sud-Ouest). Le vignoble de Bordeaux va enfin planter de nouveaux cépages. L’hebdo le vin et la chine. https://www.hebdovinchine.com/vignoble-bordeaux-va-enfin-planter-nouveaux-cepages/
  5. L’Egiodola est cultivé à 100-700 m d’altitude dans les vignobles de la Serra Gaúcha, sud du Brésil. Domaines Pizzato vinhos, https://loja.pizzato.net/produto/vinhos-tintos/vinho-seco/pizzato-egiodola-reserva-1?srsltid=AfmBOootdliKz2za_52sjNQRU5R59RcBdaY7y2_B7TYP-9XItrp-fAzf   ;  
  6. Cave de Pedra, vignobles de la Serra Gaúcha, sud du Brésil https://loja.cavedepedra.com.br/vinhos-tintos/cave-de-pedra-reserva-egiodola-750ml
  7. Vins Badan, Didier et Annick Badan, Aigle, Suisse. Cuvée Sensation. https://badanvins.ch/produit/egiodola/

© Texte posté le 05/11/2025

Remerciements : un grand merci à monsieur Jean Durquety pour sa disponibilité, son aide documentaire et pour avoir fourni la photographie de P.M. Durquety

Les étiquettes de vin illustrant cet article sont issues de la collection de l’auteur ou de copies d’écran des sites internet consultés.

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Des grenouilles dans les vignes…

Canta Rainette, Frogs’Leap, Chablis grand cru Grenouilles, nombreux sont les noms de cuvées, vignobles, domaines faisant référence aux grenouilles. Pourtant, ces batraciens n’ont pas de lien évident avec le vin, à part peut-être le choix du blanc sec qui va accompagner un plat de cuisses de grenouilles….

Des grenouilles dans les vignes

Canta Rainette est un tout jeune domaine de Côtes de Provence, situé à La Motte en Provence. Propriété familiale depuis 1958, le domaine s’est émancipé de la cave coopérative et la famille Castellino lui a donné naissance en 2000, avec une belle réussite. Le site du domaine [1] nous apprend sans surprise qu’il « doit son nom aux petites grenouilles vertes qui ont pris possession du bassin de la source du domaine et qui s’adonnent chaque soir, à la tombée du jour, à un paisible concerto. La Rainette est ainsi devenue la petite Reine du Domaine. »

Une étiquette de « Château Grenouille » d’avant 2022, de la coopérative La Chablisienne. Grenouille était à l’époque au singulier

Même origine de dénomination pour le célèbre climat de Chablis « Grenouille » ou « Grenouilles » (ou encore « Les Grenouilles » ; comme d’habitude en Bourgogne, les orthographes des climats sont changeantes). C’est le plus petit (8,9 ha) et l’un des plus recherchés des 7 grands crus de l’appellation. Très ancien, le vignoble de Chablis existe depuis l’antiquité romaine, mais on considère qu’il été véritablement fondé par les moines cisterciens au XIIe siècle.

Le site des vins de Chablis nous dit qu’un écrit de 1321 mentionne déjà les noms de « grenoille » ou « gernoille » [2].

Là encore, pas de surprise, le nom vient probablement de la présence de grenouilles dans les vignes de ce climat, le plus proche de la rivière Serein qu’il borde sur une partie.

En revanche, pour les étiquettes, on reste dans le classicisme bourguignon : pas de trace d’une grenouille sur les étiquettes de ce grand cru, que ce soit sur celles du Château Grenouilles (80% de la surface du climat, propriété de la coopérative La Chablisienne) ou des autres heureux propriétaires de ce trésor (maisons Jean Paul & Benoit Droin, Louis Michel & Fils, Régnard, Domaine Testut, Les Vaux Sereins…).

© Maison Jean-Paul et Benoit Droin

Toujours la même origine en Californie, à Rutheford dans la Napa Valley, pour nom de la « winery  Frog’s Leap » (saut de la grenouille). Cette célèbre maison a été fondée en 1981 par John Williams et Larry Turley, vignerons précurseurs en matière de respect de la nature, culture sans irrigation (comme cela se faisait à la Napa Valley avant les années 1970), préservation de la biodiversité et production actuelle d’excellents vins bio [3] . La maison doit son nom à un jeu de mots né de la contraction de « Frog farm », lieu historique où les premiers ceps de vigne ont été plantés, nommé ainsi en raison de la présence de nombreuses grenouilles, et de « Stag’s Leap wine cellars», nom de la première société viticole dans laquelle John Williams a débuté dans le métier.

© Winery Frog’s Leap, Rutherford, CA, USA

Les grenouilles, symboles de la biodiversité ?

De nombreuses autres cuvées convoquent des grenouilles ou rainettes sur leurs étiquettes. Citons, entre autres, la cuvée « La Grenouille« , un muscadet de Sèvre et Maine sur lie du Domaine de la Grenaudière [4], la « Cuvée de la Grenouille », micro cuvée 100% petit verdot vinifié en rosé du Château du Grand Bos dans les Graves [5], le rosé pétillant naturel (Pet’Nat’ pour faire plus moderne) « La Grenouille » du Clos du Porteau en Touraine (Vignobles Clermont, 41400 St Georges sur Cher) [6].

On trouve aussi une cuvée « La Grenouille et le Bœuf», en référence à la fable de La Fontaine, du Domaine de Terrebrune en Anjou (49380 Terranjou) [7] ;

Ou encore « les 5 sauts de la rainette » du Domaine de la Triballe (34820 Guzargues), un Val de Montferrand IGP Rouge 100% cinsault, d’où le jeu de mots…[8].

Une jolie grenouille tachetée est l’emblème du domaine. Elle figure sur les étiquettes d’autres cuvées (« Enfin ! » AOC Pic Saint Loup ; « Toutes Aures » AOC Coteaux du Languedoc ; « Rouge (ou blanc) de la Rainette », IGP Monferrand ).

Le Domaine de la Triballe est probablement un des premiers domaines certifiés bio de France. Honneur à la maison Legrand et surtout au grand-père du propriétaire actuel qui a eu le courage et la clairvoyance, dans les années 1970, de refuser les premiers produits phytosanitaires et d’engager la certification bio dès 1974 !

Comme on le voit, les cuvées « Grenouille » concernent souvent des vins issus de l’agriculture biologique, en conversion, ou se voulant respectueux de la nature et la biodiversité. Les grenouilles sont les habitats des zones humides, dont on sait qu’elles sont particulièrement menacées. On note aussi qu’il s’agit de vins proposés par des jeunes vignerons, destinés à une clientèle jeune.

Frogs and froggies

Les Anglais traitent souvent les Français de « Frogs » ou « Froggies » ainsi que de mangeurs de grenouilles, les deux n’étant pas nécessairement liés [9]. A l’international, le Français est souvent vécu comme chauvin, prétentieux, voire arrogant. C’est, par dérision et pour dynamiser un marché du vin français déclinant à l’international, que le talentueux Jean-Claude Mas, déjà propriétaire de beaux domaines dans le Languedoc, à créé la gamme « Arrogant Frog » (IGP Vins de Pays d’Oc), qui a beaucoup de succès à l’export [10].

© Arrogant Frog et Jean-Claude Mas

Se réclamant aussi de la préservation de la biodiversité, sans aller jusqu’au bio, la dernière tendance de la marque est de proposer des vins Arrogant Frog issus de cépages spontanément résistants, qui limitent l’usage de produits phytosanitaires [11].

© Arrogant Frog et Jean-Claude Mas

Les crapauds aussi !

Et les crapauds, alors ? Eux aussi sont des amphibiens anoures (qui perdent leur queue à l’âge adulte). Mais qui ne partagent pas la cote d’amour des jolies petites grenouilles vertes. Bien qu’il soit encore plus étrange d’associer vins et crapauds, certains vignerons l’ont osé. Pour des cuvées, elles aussi, osées.

On trouve ainsi « Les crapauds fous », un Morgon AOC produit par Franck Chavy (69430 Régnié-Durette), issu d’une macération particulièrement longue (245 jours en milieu pauvre en oxygène, au lieu des 4 à 20 jours habituels), ce qui lui confère une puissance et longueur particulière. Le choix du nom de la cuvée ? Un choix de vinification un peu fou, en référence à « ces animaux que l’on pourrait considérer comme fous lorsqu’ils choisissent de traverser les routes en prenant un chemin complètement différent que celui emprunté par leurs amis depuis toujours… » [12].

Autre petite folie, le « Crapaud Noir » de Thierry Renard, professeur d’œnologie à Clermont Ferrand et spécialiste des vieux gamays d’Auvergne [13, 14]. Produit sur les Coteaux de Clermont sur une toute petite parcelle perchée à 500m, pentue et plantée depuis 1904 majoritairement de vieux gamays, ce Crapaud noir est concentré, effectivement noir selon les notes de dégustation d’Olif, qui en a troussé une fable (le Crapaud et le Renard) ! [15].

Dernier exemple, mais pour lequel on sort du bestiaire réel pour l’imaginaire, la cuvée « Crapaud Licorne » venant du terroir de Cahors, rouge 100% Malbec bio nature produit par Philippe Bessières, propriétaire du Domaine de l’Antenet à Courbenac (46700 Puy L’Evêque).

Que vivent grenouilles, rainettes, crapauds… et les jeunes vignerons talentueux et audacieux !

Liens et références :

  1. Site du domaine CANTA RAINETTE, Côtes de Provence https://www.canta-rainette.fr/le-domaine-exploitation-viticole/
  2. Site des VINS DE CHABLIS. Le grand cru Grenouilles https://www.chablis.fr/explorez/les-climats-de-chablis-des-micro-terroirs/grenouilles,3509,18419.html
  3. Site de la WINERY FROG’S LEAP, Rutherford, Californie, USA https://www.frogsleap.com/
  4. Site du domaine de la GRENAUDIERE, muscadet de Sèvre et Maine La Grenouille https://www.muscadetgrenaudiere.com/wines/muscadet-sevre-et-maine-sur-lie-la-grenouille/161
  5. Site du CHATEAU DU GRAND BOS, Graves. Cuvée de la Grenouille. https://vin-grand-bos.com/produit/cuvee-de-la-grenouille-2023/
  6. Site des vignobles CLERMONT / Clos du Porteau https://www.vignobles-clermont.com/les-vins-de-loire-du-clos-du-porteau/#terroir-de-la-loire
  7. Site du Domaine de TERREBRUNE, 49380 TERRANJOU. https://www.domainedeterrebrune.fr/
  8. Les 5 sauts de la rainette du Domaine de la TRIBALLE https://www.la-triballe.com/vin/les-cinsault-de-la-rainette/  Site du Domaine de la TRIBALLE https://www.la-triballe.com
  9. Claude Duneton, dans son article du Figaro « La véritable histoire des « Froggies » donne une version historique différente et intéressante du sobriquet utilisé par les Anglais pour qualifier les Français. © Le Figaro, publié le 12 septembre 2016 https://www.lefigaro.fr/langue-francaise/expressions-francaises/2016/09/02/37003-20160902ARTFIG00067-la-veritable-histoire-des-froggies.php
  10. Site des vins ARROGANT FROG par Jean-Claude MAS. https://www.arrogant-frog.com/arrogant-frog/
  11. Arrogant Frog et cépages résistants. https://www.arrogant-frog.com/blog/#
  12. Site du Domaine de Franck CHAVY, Morgon, Les crapauds fous https://domainefranckchavy.fr/nos-vins-boutique-en-ligne/morgon-2023-cuvee-les-crapauds-fous/
  13. Article sur Thierry RENARD sur le blog de la cave Pur Jus à Larmor Plage (Tegwen Naveos et son équipe) https://www.cavepurjus.com/fr/blog/137_thierry-renard.html
  14. Article sur Thierry RENARD sur le blog de la Cave du Théâtre, caviste et restaurateur à Clermont-Ferrand https://lacavedutheatre.com/archives/2023/03/06/40099820.html
  15. Blog d’OLIF, article le Crapaud et le Renard. http://www.leblogdolif.com/tag/crapaud+noir

© Texte posté le 20/06/2025

Les étiquettes de vin illustrant cet article sont issues de la collection de l’auteur ou des copies d’écran des sites internet des producteurs ou distributeurs. L’alcool est dangereux pour la santé, A consommer avec modération.

Plus bio que bio …

Les vins bio ont la cote. Une enquête Milésime Bio/IPSOS de 2021 [1] indiquait une progression de plus de 50% de la consommation de vins bio en 6 ans. Plus de la moitié des français (54%) déclaraient consommer du vin bio, surtout les citadins, les jeunes, de catégories socioprofessionnelles élevées. En France, les surfaces de vignes  cultivées en bio ont augmenté de 22% entre 2020 et 2019 et représentaient 17% du vignoble en 2020.

Cet engouement s’est traduit par l’arrivée de nombreux étiquetages « nature », avec d’inhabituelles lettres  de couleur verte sur l’étiquette, des coccinelles, des papillons … (Etiquette 1 , ci-contre)

et d’un nombre croissant de labels, logos, acronymes dans lesquels on se perd toujours un peu : AB, feuille étoilée européenne, Ecocert, HVE, Terra Vitis, Biodynamie, Demeter, Biodvvin, etc…

Etiquette 1 : vin bio de la coopérative des vignerons de l’ile de Ré. Nom de cuvée en référence aux espèces de papillons « azuré »

Schématiquement en termes d’exigences bio (c’est-à-dire pas d’utilisation de produits de synthèse pour les sols, les vignes et le vin), on a du moins au plus : les domaines à haute valeur environnementale (HVE, qui ne sont pas bio), les vins issus de vignes en conversion vers l’agriculture biologique (CAB, Etiquette 2), puis les vins bio.

Etiquette 2. Un exemple assez rare d’étiquetage mentionnant la conversion vers l’agriculture biologique.

La règlementation de 2010 a supprimé les « vins issus de raisins cultivés en agriculture biologique » et les a remplacés par des « vins biologiques » qui doivent obligatoirement, pour mériter cette mention, suivre à la fois le règlement relatif à la culture du raisin et celui relatif à la vinification (Label européen, label AB en France).

Au-delà du bio, des contraintes éthiques, philosophiques, ésotériques

Mais cela ne suffit pas ! Précédés ou lancés par la vague bio, certains producteurs ont voulu aller plus loin et ont ajouté aux critères « bio » d’autres exigences ou contraintes éthiques, philosophiques, voire ésotériques….

C’était déjà le cas de la de la biodynamie, dont les fondements sont anciens (R. Steiner 1861-1925) et reposent sur des théories ésotériques qui font plutôt sourire… ou pas, d’ailleurs ! [2]. Mais qui ont depuis le début respecté une charte de vins bio, bien avant la mode actuelle et les labels officiels. Même si on est sceptique sur le bien-fondé des théories de l’inventeur, on en accepte volontiers le résultat : les vins biodynamiques sont garantis 100% bio et en général excellents, produits par des passionnés respectueux de la qualité et de la nature (Étiquette 3).

Etiquette 3. Larmandier Bernier est une maison familiale de Vertus qui élabore des Champagnes raffinés, délicats et expressifs, en biodynamie depuis plus de 20 ans, ce qui est  rare en Champagne [3].

C’est également le cas du label Terra Vitis (Étiquette 4), créé en 1998, qui engage les vignerons adhérents à respecter l’environnement, le sol, la vigne mais aussi les hommes qui la travaillent, sans toutefois répondre totalement aux critères bio [4].

Etiquette 4. Un domaine bourguignon labellisé Terra Vitis et HVE, mais pas (encore ?) bio

Les vins « naturels »

Élaborés sans levures, collage, filtration et sans soufre ajouté (dioxyde de soufre ou SO²), ils relèvent aussi d’un concept philosophique du retour à un produit totalement naturel, exempt de chimie. Les normes bio tolèrent l’adjonction de soufre (SO²) à la dose maximale réduite de moitié par rapport aux normes européennes (label AB). Se passer de soufre, aux propriétés antibactériennes et anti-oxydantes, peut compromettre la stabilité du vin et produire sans soufre est toujours un pari risqué pour le vigneron. Les courageux qui élaborent des cuvées sans soufre adoptent souvent un étiquetage engagé, combattant, voire rebelle (Étiquettes 5). Les vins dits « naturels » ou sans soufre sont en général tous bio.

Etiquettes 5. Résistants, combattants, contestataires, rasta ? Etiquetage de vins naturels sans sulfites…

Les vins « vegan »

Certaines considérations éthiques ont fait apparaître des vins labellisés véganes ou vegan!  (Étiquettes 6). J’avoue qu’au début je ne voyais pas où était la part animale (encore moins sa souffrance) dans la production de vin… Peut-être était-ce le labour à cheval ? Quelques  domaines d’élite y sont revenus. Souvent en bio, comme une des première coopératives bio de France, les vignerons de Correns (Var) pour leur merveilleuse cuvée « l’Or des Fées »… Ou en biodynamie, à l’exemple de Nicolas Jolly pour la Coulée de Serrant qu’il justifie par les pentes abruptes de ses vignes surplombant la Loire. Non,  ce qui fait un vin vegan, c’est qu’il n’est pas collé au blanc d’œuf ni à la colle de poisson, à supposer que cette dernière technique soit encore utilisée…. On frise le ridicule, mais admettons… si le vin est bon !

Etiquettes 6 : Deux étiquettes de Mâcon-Villages  et Mâcon-Chardonnay vegan.

Vin durable, bilan carbone

Quel rapport me direz-vous entre le vin et le bilan carbone ? Aucun a priori… Eh bien détrompez-vous. Même si le vin est bio, biodynamique, Terra Vitis ou autre, sa production peut avoir un bilan carbone peu favorable à la durabilité de notre planète.

L’explication, un peu alambiquée, se trouve dans les sites dédiés [5]. J’ai cru comprendre, par exemple, que labourer les parcelles mobilisait du dioxyde de carbone (CO2) stocké dans la terre et participait lentement mais durablement au réchauffement climatique, qui est lui-même à risque pour nos merveilleux cépages de climat tempéré. Pour d’autres, il s’agirait d’un affichage abusif : « être neutre en carbone à l’échelle d’un produit alimentaire ne veut strictement rien dire. Un pays peut l’être, en compensant ses émissions résiduelles par des puits de carbone, mais pas un produit » [6]. Quoi qu’il en soit, des domaines pas nécessairement bio affichent leur neutralité carbone, en voici un exemple (Étiquette 7).

Etiquette 7 : Domaine Montrose, IGP Côtes de Thongue, pas bio mais carbone neutre !

Plus bio que bio : l’emballage éco-responsable

Mais cela ne suffit toujours pas ! Si le vin est exemplaire pour respecter la nature, la planète et sa durabilité, l’emballage doit aussi devenir écolo, ou plus exactement éco-responsable. C’est ainsi qu’on voit apparaître des étiquettes ou contre-étiquettes amusantes.

Comme celle de ce Chinon Pierre Chanau (verlan d’ « Auchan », dont c’est une marque !). La contre étiquette de ce vin labellisé HVE est un véritable rébus, que j’ai compris comme « tout de cette bouteille vide doit se recycler, le bouchon et la coiffe en plastique/alu doivent aller dans le bac de recyclage, la bouteille vide dans le container à verre » ! (Étiquette 8).

Etiquette 8 : Le rébus « recyclage » sur la contre étiquette du Chinon HVE de marque Auchan

Ou mieux comme cette série de (très bons) vins de marque Monoprix d’AOP variées en rouge, rosé, ou blanc (Bergerac blanc sec reproduite en en-tête de cet article et à nouveau ici, Étiquette 9), qui se revendiquent « éco-conçus » avec un nouveau label dédié.

Etiquette 9. Monoprix, le bon élève : des vins éco-conçus qui cochent toutes les cases du politiquement-vert-correct !

Eco-conçu signifie, outre un contenu bio bien sûr, une bouteille allégée en verre, un bouchon recyclable issu de forêts de chênes- lièges durables, une étiquette en fibre de canne à sucre, une colle sans solvant et sans vernis. Seules les encres non polluantes sans solvants toxiques n’ont pas été mentionnées, un oubli sans doute…

Comme l’ironisait en 1980 un grand penseur et poète du pinard obligatoire [7] : « Jusqu’où s’arrêteront-ils » ?!

© dessin Boursier

Liens et références :

1. Observatoire européen de la consommation de bin biologique. Evolution de la consommation de vin bio en Europe. Enquête Millésime Bio/IPSOS, octobre 2021. https://www.millesime-bio.com/app/millesime/files-module/local/documents/Sudvinbio_DP%20Etude%202021%20FINAL.pdf

2. Marine Jeannin. La biodynamie : respect de la terre ou dérive sectaire ? Géo environnement, publié le 14/04/2022. https://www.geo.fr/environnement/biodynamie-definition-principes-et-domaines-dapplication-193785

3. Site du Champagne Larmandier Bernier

4. Site de l’association TERRA VITIS. https://www.terravitis.com/notre-certification/

5. Site « Les vins durables ». https://www.vinsdurables.fr/quel-vin-en-2050-sur-la-route-de-la-neutralite-carbone /

6. Mathieu Saujot, de l’Institut du développement durable et des relations internationales, cité dans l’article de Géraldine Meignan : Les fausses promesses des aliments « neutres en carbone », Marianne, N° 1367, 25-31/05/2023.

7. Coluche. La revue de presse. 1980. Dessin de Sylvain Boursier, reproduit avec son aimable autorisation : http://www.dessinboursier.com/

© Texte posté le 25/05/2023.

Les étiquettes illustrant cet article sont issues de la collection de l’auteur.