Gino Bartali …

Aujourd’hui, 29/06/2024, c’est le départ depuis Florence en Toscane du tour de France cycliste 2024. Cette première étape rend hommage à Gino Bartali, immense champion cycliste italien des années 1930-50. Né et décédé près de Florence, Bartali a gagné trois tours d’Italie dans les années 1930 et deux tours de France à dix ans d’intervalle, le premier un peu avant-guerre en 1938 et le second un peu après en 1948. Nul doute que sans la guerre de 39-45, il en aurait gagné d’autres.

Cette étiquette est historiquement une des premières de ma collection. C’est une étiquette de Chianti de 1952 rendant hommage à Gino Bartali qui ornait une fiasque paillée, classique à l’époque pour les Chianti. Très jeune collectionneur, je l’avais trouvée dans les années 1970 dans la cave de mon grand-père à Biesles, un des villages de la coutellerie Nogentaise en Haute Marne. J’ignore comment cette bouteille à l’effigie de Bartali était arrivée là, mais il avait conservé cette jolie fiasque pour embouteiller les vins de fruits rouges qu’il produisait (groseilles, fraise, framboise), ce qui explique la mention « liqueur de framboise » écrite de sa main.

Cette étiquette est donc un double souvenir et hommage.

Souvenir et hommage à mon grand-père Victor G, ouvrier coutelier, meilleur ouvrier de France, devenu coutellier-orfèvre dans la prestigieuse maison de son lointain cousin Louis Eloi Pernet [1], qui infatigablement après le travail, allait faire son jardin et produisait ses vins ou liqueurs de fruits dont je garde une certaine nostalgie.

Et puis bien sûr, souvenir et hommage à Gino Bartali, qui n’a pas été qu’un grand champion cycliste. Cette première journée du Tour de France 2024 a été l’occasion de rappeler que Gino a aussi été un opposant au fascisme, un résistant qui, sous couvert d’entrainement, transportait des messages et des faux papiers cachés dans son vélo de course. Au sein de son réseau, il a ainsi permis de sauver plusieurs centaines de Juifs. Le tout, dans une discrétion absolue, car il n’a que rarement évoqué ses actions héroïques, se contentant d’un sobre  «  On fait le bien, mais on n’en parle pas. » [2]

Gino Bartali a été reconnu comme « Juste parmi les nations » en septembre 2013 et son nom figure au mémorial de Yad Vashem.

Un livre « Un vélo contre la barbarie nazie » de l’écrivain italien Alberto Toscano est consacré à cet aspect méconnu de la vie du grand Gino Bartali. Il commence par ces mots « Il y a des moments où le sport fait l’Histoire et il y a des athlètes qui gagnent bien plus que des médailles ». [3]

Tour de Suisse winner 1948: Gino Bartali (Photo by RDB/ullstein bild via Getty Images)

Liens et références :

[1] Eloi Pernet coutelier orfèvre depuis 1920. Site Coutellerie et couteaux. https://www.lecouteau.info/couteliers-marquages/couteliers-fabricants/nogent/

[2] Owen Gourdin pour Ouest-France. « Tour de France 2024. L’héroïsme
discret » de Gino Bartali, à qui la première étape rend hommage ». Article
mis en ligne le 29/06/2024. https://www.ouest-france.fr/tour-de-france/tour-de-france-2024-lheroisme-discret-de-gino-bartali-a-qui-la-premiere-etape-rend-hommage-8ec3744e-3489-11ef-bc20-1002f59f2c2c

[3] Alberto Toscano, Un vélo contre la barbarie nazie – L’incroyable destin du champion Gino Bartali. Editions Dunod, 2019. Disponible entre autres sur : https://www.fnac.com/a13559896/Alberto-Toscano-Un-velo-contre-la-barbarie-nazie-L-incroyable-destin-du-champion-Gino-Bartali

Autre clin d’oeil au Tour de France

© Texte posté le 29/06/2024

Les étiquettes illustrant cet article sont issues de la collection de l’auteur

Œil de perdrix, un vrai blanc de rouge !

Cette belle étiquette de Champagne « œil de perdrix » de la maison Lecureux et Lefournier, à Avize, date probablement de la seconde moitié du XIXe siècle. Selon le colonel F. Bonal et son encyclopédique « histoire du Champagne » [1], cette maison de négoce champenoise a été créée en 1834.

Œil de Perdrix, une couleur, un vin…

Que signifie « œil de perdrix » ? Absent des 7 premières éditions du dictionnaire de l’académie française (1694 à 1878), ce nom apparait dans la 8ème édition de 1935 pour ne désigner que la variété interdigitale de cor au pied (une tuméfaction rouge au centre noir, évoquant l’œil de la perdrix) !

Dans la 9ème et actuelle édition, « œil de perdrix » peut désigner une variété de figue depuis le XVIIe siècle (Olivier de Serres), un motif de tissage losangique, un point de broderie, l’aspect noueux du bois en menuiserie, ou un motif de céramique… Mais rien en rapport avec un vin ou sa couleur…. Tout au plus, œil de perdrix désigne de façon générale un « Motif de petite taille, évoquant l’œil de la perdrix par la forme, la taille ou la disposition des couleurs »

Les couleurs, on approche… Car pour le vin, œil de perdrix désigne tout d’abord une couleur. Un couleur indéfinissable autrement, tant foisonnent les qualificatifs utilisés par les vignerons pour décrire leurs vins ou cuvées œil de perdrix : « rouge clair transparent », « clairet entre rouge et rosé », « rosé », « rosé pâle », « jaune-orangé pale », « rose saumoné » », saumon soutenu tirant vers le rouge-orangé », « rosé-gris », « ambré », « pelure d’oignon » …

C’est le site « dico du vin » [2] qui en donne la définition actuelle la plus attrayante : « Œil-de-perdrix est cette nuance mythique pour désigner un rosé pas tout à fait rosé, plutôt un gris rosé ou blanc taché à reflets rosés ou encore rosé pelure d’oignon. Les gris se qualifient d’œil de perdrix : voir les rosés d’Auvergne, de Lorraine, de Moselle, de Champagne, de Touraine (Noble-Joué), de l’Orléanais, du vendômois (pour ces derniers, issus du pineau d’Aunis, on parle d’œil de gardon), etc. etc. (…) »

Ainsi, dans la plupart des cas, œil de perdrix qualifie la teinte d’un vin très clair, entre blanc et rosé, obtenu à partir d’un cépage rouge à pulpe blanche, comme le pinot noir, par une macération très courte des peaux ou même par pressurage direct (pinot noir pressé en blanc).

Ce serait à l’origine la couleur que prend le blanc de l’œil de la perdrix (et non son iris) quand elle agonise… Si on n’a jamais vu de perdrix vivante ni fraichement tuée, c’est mon cas, il faut faire confiance aux chasseurs qui ont dû proposer cette délicate analogie

L’Œil de Perdrix de Suisse et de Neuchâtel

Pour les Neuchâtellois, l’Œil-de-perdrix (avec majuscules) n’est pas une couleur, c’est un vin.  LE vin emblématique de Neuchâtel et sa région. Il s’agit d’un rosé issu exclusivement de pinot noir peu cuvé.

L’ancienneté et la qualité des vins rouges de la région de Neuchâtel sont attestées par une lettre adressée par l’homme de lettre (et comte) François d’Escherny (1733-1815) à son ami Jean-Jacques Rousseau : « Les vins de Cortaillod, dans les bonnes années sont aussi bons que les meilleurs vins de Bourgogne ». Patrice Allanfranchini, historien et conservateur du Musée de la Vigne et du Vin du Château de Boudry situé près de Neuchâtel, explique : « Au 18e siècle, cette assertion était tout à fait plausible. Il faut comprendre que pendant des siècles, la vinification en rouge faisait peur, car les cuvaisons trop longues pouvaient engendrer des problèmes de piqure acétique. Les rouges profonds ont commencé à apparaître à la fin du 18e, lorsque les vignerons ont commencé à maîtriser le chapeau flottant. Avant pour avoir du rouge, on rajoutait des raisins teinturiers dans le moût » [3].

La tradition de la production de vins « œil de perdrix » issu de pinot noir semble avoir perduré à Neuchâtel plus qu’ailleurs. Le musée du Château de Boudry [4] possède la plus ancienne étiquette connue d’œil de perdrix de Neuchâtel, portant le millésime 1861.

Etiquette d’Œil de Perdrix de Neuchâtel 1861 de Louis Bovet, propriétaire-encaveur à Areuse (collection du Musée du Château de Boudry, reproduite avec l’aimable autorisation de M Patrice Allanfranchini, conservateur)
Deux étiquettes d’Oeil de Perdrix des cantons du Valais et de Genève

Faute de protection initiale de l’appellation, le terme Œil de perdrix a ensuite pu désigner tout vin suisse issu du même procédé de fabrication, essentiellement pour des AOC des cantons de Genève et du Valais. Selon la réglementation suisse, l’Œil de Perdrix est maintenant un « rosé de Pinot noir suisse peu cuvé »..

La notice francophone de Wikipédia consacrée à l’œil de perdrix de Neuchâtel (consultée en décembre 2023 [5]), s’avance un peu lorsqu’elle dit que « La découverte de cette vinification particulière remonte probablement au milieu du XIXe siècle ». On va voir pourquoi.

Œil de perdrix et vins « clerets » aux XVe et XVIe siècles

Le moyen âge a été une période de grande appétence pour le vin, dans toutes le couches de la société. En plus de leur provenance, et les vins doux et cuits mis à part, on catégorisait les « bons vins » par leur âge et leur couleur. Il avait les vins jeunes, à boire avant le printemps suivant, équivalents de nos primeurs actuels, et les vins vieux, de qualité moindre, qui permettaient de tenir jusqu’à la vendange suivante. Il était interdit de mêler le vin nouveau avec du vin vieux, afin de ne pas le gâter. Les vins de garde n’étaient prisés qu’en Bourgogne et dans la vallée du Rhône.

Pour l’aspect, la couleur, on opposait souvent le vin subtil, aqueux, blanc ou clair, et le vin terrestre et épais. A propos des vins de Guyenne, Charles Estienne, médecin puis imprimeur, écrit en 1564 : « ceux qui sont rouges, ou noir sombre, ou vermeils, nourrissent assez abondamment ; mais parce qu’ils provoquent des obstructions et augmentent les humeurs mélancoliques, ils ne doivent pas être consommés, sauf si on mène une vie de travail et de labeur. Ceux qui sont d’une consistance ténue et subtile, c’est-à-dire blancs, clairets ou fauvelets, sont prisés et très demandés à la table des grands seigneurs, d’autant qu’ils ont un goût fort agréable, qu’ils se digèrent facilement et sont rapidement assimilés »  [6].

Les différences entre vins clairs, clairet ou « cleret » et « œil de perdrix » ne sont pas évidentes à cette période. Le collectif d’historiens auteurs du « voyage aux pays du vin » [7] l’aborde ainsi : « En matière de couleur, c’est la limpidité, la clarté, voire la transparence, qui sont exigés pour le blanc. Le terme de « clarté » est aussi appliqué au Clairet, mais c’est pour mieux le différencier du rouge. On l’apprécie pour unir le blanc et le rouge, sans en avoir les défauts. Pour autant, sa couleur était sans doute plus accusée que celle de nos rosés actuels et pouvait même atteindre un rouge soutenu, la distinction d’avec les vins vermeils reposant sur des questions de saveur ou de parfum. »

L’ambiguïté pour désigner la couleur un vin « œil de perdrix » se retrouve dans l’ouvrage d’Olivier de Serres  « Le Théâtre d’agriculture et mesnage des champs » publié en 1600. La couleur « œil de perdrix » est citée comme l’une des « deux couleurs les plus remarquables des vins clerets » mais se voit attribuer une nuance « rubi-oriétal », qui l’oppose à la teinte « hyacinte tendante à l’orenge » des autres clerets (voir l’extrait ci-dessous, début du 2ème chapitre). Pas simple de s’y retrouver …

Le Théâtre d’agriculture… d’Oliver de Serres (1600). Extrait

Le même ouvrage détaille les durées de cuvaisons nécessaires à l’obtention des vin clerets, ou de couleur plus soutenue : « Il y a des vins clerets et quelquefois des plus exquis, qui en moins de vingt-quatre heures de sejour dans la cuve atteignent le poinct qu’on desire : pour parvenir laquelle couleur, d’autres y employent huict ou dix jours. Même s’en trouve de si tardifs, que jamais ne peuvent venir rouges ni couverts, quoy qu’on les tienne un mois dans la cuve. Mais pour ne se décevoir, il est nécessaire de tirer souvent du vin de la cuve par la guille ou espine, pour en tâtant d’heure à autre prendre avis du terme de le viner. » Malheureusement, la durée de cuvaison des vins œil de perdrix n’est pas écrite. Elle devait dépendre du cépage.

Œil de perdrix en Bourgogne

Longtemps limitée aux vins d’Auxerre (et de Chablis) majoritairement blancs, l’appellation « vin de Bourgogne » n’a été étendue au « païs de Beaunois » qu’en 1416 par une ordonnance de Charles VI. Il est connu que certains vins rouges de la côte de Beaune, à Comblanchien, Volnay, Pommard, ont été produit en « œil de perdrix » dès le début du XVIIIe siècle, peut-être même avant. Mais à cette période, cette production répondait à un mode de vinification très différent, avec mélange de cépages pinot noir et blanc.

Dans son « Histoire et statistique de la vigne et des grands vins de la Côte d’Or » [8], Le Dr MJ Lavalle s’interroge en 1855 sur l’évolution de la vinification des vins rouges de la côte de Nuits : « (…) si la vinification n’a pas varié dans ses points fondamentaux, il n’en a pas été de même dans les détails. Suivant le goût de chacun et surtout le goût du siècle, la fabrication a varié. On se ferait une bien fausse idée si on croyait qu’on a toujours recherché dans nos vins de Bourgogne des qualités absolument identiques à celles que nous apprécions maintenant. Aujourd’hui, on arrache partout le pinot blanc et le pinot gris, et on ne conserve dans presque tous les premiers crus que le franc pinot. On obtient ainsi des vins plus colorés et plus fermes ; mais n’est-ce pas aux dépens de la finesse et du bouquet, et peut-être de la conservation ? »

A l’appui, Lavalle cite un auteur bourguignon méconnu, Pigerolle de Montjeu, qui fait remonter l’œil de perdrix bourguignon au début du XVIIIe siècle : « Il y a un siècle et demi à peine, les vins de Pommard et de Volnay ne devaient avoir qu’une teinte très-légère, qu’on nommait : œil de perdrix. A cet effet, il y avait dans toutes les vignes une partie plantée en pinots blancs, et on mettait alternativement sur la met du pressoir un lit de paille et un lit de raisin, dans la crainte que le vin ne fût encore trop rouge. »

Œil de perdrix en Champagne

Quelques étiquettes nous prouvent que la tradition des cuvées œil de perdrix est au moins aussi ancienne en Champagne qu’à Neuchâtel, et qu’elle persiste également de nos jours, bien que confidentielle. L’ancienneté, antérieure à 1850, est attestée par cette étiquette d’œil de perdrix 1834 de la maison Renaudin Bollinger à Aÿ (actuelle maison de Champagne Bollinger).

La plus ancienne étiquette d’œil de perdrix ?

Actuellement, selon les vignerons, les cuvées « œil de perdrix » de Champagne peuvent être produites par pressurage direct de pinot noir (les rosés de presse), par macération courte comme l’œil de perdrix de Neuchâtel (ce sont les rosés dits de saignée), mais aussi par mélange de cépages, pratique autorisée uniquement en Champagne pour l’élaboration de vins rosés d’appellation d’origine contrôlée ou protégée.

Les premiers sont les Champagne « blancs de noir ». Sans être nommées « œil de perdrix », certaines cuvées de Champagne blanc de noir notent une teinte ambrée, par simple coloration du moût lors du pressurage. Ceci peut être renforcé lorsque les pinots noir sont surmaturés. C’est le cas des cuvées Œil de Perdrix des maisons de Champagne Jean Vesselle à Bouzy ou Devaux, à Bar sur Seine, dans l’Aube, comme l’explique la contre-étiquette.

Deux producteurs (Doyard à Vertus et Joel Michel à Brasles dans l’Aisne) décrivent un peu différemment le même principe, dans leur notice commune : « Cette cuvée tire ses origines et son nom des temps anciens. L’impossibilité de décolorer artificiellement les jus des raisins noirs engendrait l’élaboration d’un Champagne à la robe entachée d’un « Œil ». Celui-ci désignait un Champagne légèrement teinté de rose, tel un Œil de Perdrix ». Il s’agit dans tous les cas de rosés de pressée.

Plus rarement, le Champagne œil de perdrix provient d’un mélange de cépages. C’est le cas de la cuvée œil de perdrix de la maison Dehours, à Cerseuil dans la vallée de la Marne, qui est « élaborée en assemblant Pinot Meunier (83%) et Chardonnay (17%). Un mariage qui donne une belle couleur Œil de Perdrix. »

On remarque que la maison Joel Michel utilise pour sa cuvée œil de perdrix une reproduction à l’identique de l’ancienne étiquette de Lecureux et Lefournier.

Une réussite !

L’œil de perdrix de Lecureux et Lefournier, un vrai « blanc de rouge » !

Revenons à notre étiquette initiale. C’est donc en 1834 qu’Augustin Jean-Baptiste Lecureux, né en 1812 au Luxembourg, a créé à 22 ans sa maison de négoce Lecureux et Cie à Avize [1]. Il s’est ensuite orienté vers l’action publique et la politique, a été nommé commissaire du gouvernement, puis préfet de la Marne lors de la deuxième République. Son mandat a été court, du 1er mars au 30 novembre 1848. Candidat aux élections législatives de 1849 dans la Marne à la tête d’une liste républicaine et socialiste, il ne fut pas élu. Rejoignant les nombreux exilés français ou européens de cette période post révolutionnaire, obscurs ou célèbres comme Louis Blanc, A. Ledru Rollin, Eugène Sue, Victor Hugo, Victor Schoelcher, Karl Marx…, Lecureux fut proscrit le 2 décembre 1849 et se réfugia en Belgique, où il est mort en 1855 à 42 ans.

Ernest Lefournier était son gendre. Resté proche des milieux révolutionnaires, « il demeurait à Avize et plaçait du vin de Champagne en faisant de la propagande républicaine et socialiste » selon le site Maitron [9]. La maison Lecureux et Lefournier existait encore sous ce nom jusqu’aux années 1870, on la trouve citée dans le Catalogue général de l’exposition Universelle de 1867 à Paris. La maison Lefournier Jeune lui a succédé dans les années 1890.

Par sa méthode de vinification et l’orientation politique de ses créateurs, on peut donc conclure que le joli Champagne rosé très clair, dont notre étiquette garde la trace, méritait doublement son origine de « blanc de rouge » !

Une autre magnifique étiquette du XIXe siècle de Champagne Œil de Perdrix de la maison Bouché Fils et C° à Mareuil sur Aÿ (Collection du Musée du Château de Boudry, transmise par M Patrice Allanfranchini, conservateur du musée, et reproduite avec son aimable autorisation )

Liens et références :

1. Colonel François Bonal. Histoire du Champagne. Site de l’Union des Maisons de Champagne (https://maisons-champagne.com/fr/encyclopedies/histoire-du-champagne/premiere-partie-histoire-du-champagne/chapitre-4-le-xixe-siecle/article/les-negociants)

2. François Collombet. Oeil de perdrix (vin rosé ou gris). Dico du vin. https://dico-du-vin.com/oeil-de-perdrix-vin-rose-ou-gris/

3. Œil-de-Perdrix: l’ambassadeur de Neuchâtel . Article paru dans le dossier Oeil-de-Perdrix du hors-série Neuchâtel 2017 , consultable en ligne sur le site Romand du vin. (http://www.romanduvin.ch/oeil-de-perdrix-lambassadeur-de-neuchatel/)

4. Musée de la vigne et du vin, Château de Boudry, ambassade du vignoble neuchâtellois. https://chateaudeboudry.ch/le-musee/publications-et-graphiques/publications/

5. Site Wikipedia en Français « Oeil de perdrix, vin suisse » (https://fr.wikipedia.org/wiki/%C5%92il-de-perdrix)

6. Charles Estienne et Jean Liebault. Agriculture et maison rustique (1594). Cité dans [7]

7. Collectif, sous la direction de Françoise Argod- Dutard, Pascal Charvet et Sandrine Lavaud. Voyage au pays du vin. Histoire, anthologie, dictionnaire. Laffont, coll. Bouquins, Paris 2007.

8. Docteur MJ Lavalle. Histoire et statistique de la vigne et des grands vins de la Côte d’Or. 1885. Réédition par les Edition ECHE, 1982. Disponible aussi sur le site https://ia904709.us.archive.org/17/items/histoireetstat00unse/histoireetstat00unse.pdf

9. Le Maitron. Dictionnaire biographique. Mouvement ouvrier, mouvement social. Notice Lefournier Ernest, dit Lefournier fils. https://maitron.fr/spip.php?article33688

© Texte posté le 01/01/2024, mis à jour le 08/01/2024

Les étiquettes illustrant cet article sont issues de la collection de l’auteur, du musée du Château de Boudry (Neuchâtel) ou des sites internet consultés.

Vin de bienfaisance …

Contrairement à ce que pourrait faire penser cette étiquette de vin de Beaune de la première moitié du XXème siècle, Allerey (Allerey-sur-Saône depuis 1974), commune de Côte d’Or située à moins de 20 km de Beaune, n’a pas de vigne sur son territoire.

L’histoire d’Allerey est cependant étroitement liée au commerce du vin de Beaune. Au hameau de Chauvort, qu’elle englobe, était situé un port fluvial important qui a constitué jusqu’au XVIIIème siècle le port du pays beaunois et de ses vins. 

Cette activité a fait la fortune de familles de négociants et transporteurs fluviaux, parmi lesquelles les familles Lebault et Leblanc. A son décès en 1868, Pierre Frédéric Leblanc, notable local, a légué tous ses biens  au « bureau des pauvres » de la commune d’Allerey, les destinant au « secours pour l’Indigent, et l’Ecole pour l’Enfant » . Parmi les biens légués, 68 hectares de terres à Allerey et un domaine viticole d’environ 5 hectares en 1er cru à Beaune et Savigny les Beaune ! [1]

Les bureaux de bienfaisance

Le terme utilisé par le donateur « bureau des pauvres » est le témoin d’une période de transition entre les organisations, religieuses puis laïques, d’aide aux pauvres qui se sont succédées dans de nombreuses communes ou paroisses de France. Faisant suite aux bureaux de charité institués dès le XVIe siècle puis développés par Turgot et Necker au XVIIIe siècle, les bureaux de bienfaisance ont été créés sous le directoire par la  loi du 7 frimaire an V (27 novembre 1796), avec pour mission de secourir les indigents et nécessiteux qui ne pouvaient ni bénéficier d’une loi d’assistance obligatoire ni être admis dans les hospices.

Comme l’explique l’historien Jean-Claude Thierry [2]: « De façon générale, jusqu’à la révolution, l’Eglise catholique prenait en charge l’action en faveur des plus démunis, par l’intermédiaire du clergé et des ordres religieux. Même dans les campagnes les plus reculées on trouve encore trace des «comptes de la charité». A la Révolution, sous l’influence des philosophes des lumières, apparaît l’idée selon laquelle l’assistance est un devoir de l’Etat et un droit pour le citoyen. En 1796, le gouvernement du Directoire crée les premiers établissements publics de secours : « les bureaux de bienfaisance » ; ce sont des services communaux placés sous l’autorité préfectorale. Au départ, la portée de cette loi reste limitée. La création des bureaux est facultative et quand ils existent, ils cohabitent souvent avec la charité privée. »

Dans son essai sur les mendiants et vagabonds en Bretagne au XIXème siècle [3], Guy Haudebourg précise un des objectifs de la loi : « Les secours à domicile sont nettement préférés aux secours hospitaliers. Afin de maintenir les indigents le plus possible chez eux, sous la Révolution française, ont été créés les bureaux de bienfaisance, bureaux qui remplacent les anciennes associations de charité de l’Ancien Régime. Ils fournissent des secours à domicile aux indigents (loi du 7 frimaire an V – 27 novembre 1796) mais n’ont pas le droit d’entretenir des pauvres dans les hospices selon l’avis du conseil d’État du 14 octobre 1833. De nombreux décrets, lois, ordonnances rappellent au cours du XIXe siècle qu’il doit être établi un bureau de bienfaisance dans chaque commune mais ils ne sont pas appliqués avec la même célérité par toutes les communes de France. »

Allerey en 1909

Le bureau de bienfaisance d’Alleray, héritier de la confrérie des pauvres… et ancêtre du CCAS

A Allerey, il existait depuis le début du XVIIIème siècle une confrérie des pauvres, dont le nom exact était « confrérie du Saint Esprit érigée en faveur des pauvres de l’église d’Allerey ». Le legs de Pierre Frédéric Leblanc atteste qu’un bureau de bienfaisance existait en 1868. L’affectation des fonds a été conforme aux volontés du défunt et à la mission du bureau de bienfaisance : « le bureau de bienfaisance construisit une école religieuse tenue par les frères des Écoles Chrétiennes, l’institut Leblanc, transformée plus tard en garderie-cantine puis en logements sociaux » [1]. On remarque que le don au bureau de bienfaisance, structure d’inspiration laïque, a gardé pour le légataire un « fléchage » totalement religieux. Mais la révolution, le directoire étaient loin, la France après un 1er empire, une restauration, une 2ème  république, vivait un second empire.

Plus tard, les « bureaux d’assistance » ont été mis en place par la circulaire du 19 janvier 1903 dans les communes dépourvues de bureau de bienfaisance. Nos actuels centres communaux d’action sociale (CCAS) en sont les héritiers. A Allerey, le legs a été géré par le bureau de bienfaisance, puis le bureau d’aide sociale et le CCAS de la commune. En 2014, à la faveur des regroupements en communautés de communes ou d’agglomérations, Allerey-sur-Saône a rejoint le « Grand Chalon » qui a pris la compétence de CCAS. Depuis, le legs a une ligne de trésorerie dédiée dans le budget communal.

Les vins du  Legs Leblanc

L’exploitation du domaine viticole d’Allerey, situé à Beaune et Savigny les Beaune, a été confiée à plusieurs vignerons successifs : Chanoine (années 1950-60), Raymond Milliard  (1970-1990) [4], Gossot (1990-2014).

Depuis 2014, l’exploitation est assurée par Philippe Germain, exploitant du Domaine Germain avec son épouse Isabelle et son neveu Maxime Champaud [5]

Jusqu’en 1983, les vins issus du legs Leblanc ont été vendus aux enchères au profit de la commune, et ces ventes étaient annoncées puis commentées dans la presse locale, comme en témoignent ces deux articles du Bien Public de 1977 et 1979 transmis par M Pierre Rageot, actuel maire d’Allerey-sur-Saône, que nous remercions.

Les étiquetages mentionnaient le nom du négociant acheteur/éleveur, comme c’est le cas actuellement pour les vins des Hospices de Beaune (ci-dessous, étiquetage pour la maison A. Bichot datant des années 1970).

Comme le notent les articles, la vente se déroulait à Beaune, 4 rue Rousseau-Deslandes, dans l’ancienne cuverie du domaine de la commune. C’est la façade de cette belle maison, munie d’une tourelle, qui est représentée sur la partie gauche de l’étiquette ancienne. La maison a depuis été vendue.

La tourelle de l’ancien chai de la commune d’Allerey, rue Rousseau-Deslandes à Beaune

 Aujourd’hui, les vins sont vendus directement par l’exploitant avec un étiquetage au nom du CCAS de la commune. Le projet de nouvelle étiquette de 2023, au design plus moderne, a supprimé la mention du bureau de bienfaisance, mais indiquera toujours : « vin issu du vignoble légué à la commune d’Allerey sur Saône par Monsieur Frédéric Leblanc ».

Respectueux des conditions du legs de Frédéric Leblanc, les bénéfice de la vente des vins d’Allerey-sur Saône continuent à financer les activités scolaires et du CCAS de la commune, par exemple la rénovation de logements à loyer modéré, les écoles  maternelle et primaire et leurs cantines, une garderie, un centre d’accueil de vacances [1] .

Remerciements : nous remercions monsieur Pierre Rageot, maire d’Allerey sur Saône, pour les renseignements et les documents d’archives qu’il a bien voulu nous transmettre.

Liens et références :

[1] Site de la commune d’Allerey sur Saône : https://www.allerey-sur-saone.fr/legs-frederic-leblanc

[2] Jean-Claude Thierry. Bureau de Bienfaisance de Chauny. Publication sur le site du centre de recherche et d’étude de la boulangerie et de ses compagnonnages. https://levainbio.com/cb/crebesc/bureau-de-bienfaisance-de-chauny/

[3] Guy Haudebourg. Mendiants et vagabonds en Bretagne au XIXe siècle.   Presses Universitaires de Rennes, 1998. https://books.openedition.org/pur/17741?lang=fr

[4] Notice nécrologique de Raymond Milliard. Le bien Public, 24/02/2014. https://www.bienpublic.com/edition-de-beaune/2014/02/24/raymond-milliard

[5] Domaine Philippe Germain. https://www.philippegermain.com/

[6] Les irréductibles vignerons du grand Chalon. Kaleidoscope.fr., publié le 15 octobre 2016. http://kaleidoscope.fr/2016/10/15/les-irreductibles-vignerons-du-grand-chalon/ (site redirigé, article consulté en 2022, non accessible en ligne en aout 2023)

© Texte posté le 31/08/2023.

Les étiquettes illustrant cet article sont issues de la collection de l’auteur ou des scanns d’étiquettes transmis par la mairie d’Allerey sur Saône.

Plus bio que bio …

Les vins bio ont la cote. Une enquête Milésime Bio/IPSOS de 2021 [1] indiquait une progression de plus de 50% de la consommation de vins bio en 6 ans. Plus de la moitié des français (54%) déclaraient consommer du vin bio, surtout les citadins, les jeunes, de catégories socioprofessionnelles élevées. En France, les surfaces de vignes  cultivées en bio ont augmenté de 22% entre 2020 et 2019 et représentaient 17% du vignoble en 2020.

Cet engouement s’est traduit par l’arrivée de nombreux étiquetages « nature », avec d’inhabituelles lettres  de couleur verte sur l’étiquette, des coccinelles, des papillons … (Etiquette 1 , ci-contre)

et d’un nombre croissant de labels, logos, acronymes dans lesquels on se perd toujours un peu : AB, feuille étoilée européenne, Ecocert, HVE, Terra Vitis, Biodynamie, Demeter, Biodvvin, etc…

Etiquette 1 : vin bio de la coopérative des vignerons de l’ile de Ré. Nom de cuvée en référence aux espèces de papillons « azuré »

Schématiquement en termes d’exigences bio (c’est-à-dire pas d’utilisation de produits de synthèse pour les sols, les vignes et le vin), on a du moins au plus : les domaines à haute valeur environnementale (HVE, qui ne sont pas bio), les vins issus de vignes en conversion vers l’agriculture biologique (CAB, Etiquette 2), puis les vins bio.

Etiquette 2. Un exemple assez rare d’étiquetage mentionnant la conversion vers l’agriculture biologique.

La règlementation de 2010 a supprimé les « vins issus de raisins cultivés en agriculture biologique » et les a remplacés par des « vins biologiques » qui doivent obligatoirement, pour mériter cette mention, suivre à la fois le règlement relatif à la culture du raisin et celui relatif à la vinification (Label européen, label AB en France).

Au-delà du bio, des contraintes éthiques, philosophiques, ésotériques

Mais cela ne suffit pas ! Précédés ou lancés par la vague bio, certains producteurs ont voulu aller plus loin et ont ajouté aux critères « bio » d’autres exigences ou contraintes éthiques, philosophiques, voire ésotériques….

C’était déjà le cas de la de la biodynamie, dont les fondements sont anciens (R. Steiner 1861-1925) et reposent sur des théories ésotériques qui font plutôt sourire… ou pas, d’ailleurs ! [2]. Mais qui ont depuis le début respecté une charte de vins bio, bien avant la mode actuelle et les labels officiels. Même si on est sceptique sur le bien-fondé des théories de l’inventeur, on en accepte volontiers le résultat : les vins biodynamiques sont garantis 100% bio et en général excellents, produits par des passionnés respectueux de la qualité et de la nature (Étiquette 3).

Etiquette 3. Larmandier Bernier est une maison familiale de Vertus qui élabore des Champagnes raffinés, délicats et expressifs, en biodynamie depuis plus de 20 ans, ce qui est  rare en Champagne [3].

C’est également le cas du label Terra Vitis (Étiquette 4), créé en 1998, qui engage les vignerons adhérents à respecter l’environnement, le sol, la vigne mais aussi les hommes qui la travaillent, sans toutefois répondre totalement aux critères bio [4].

Etiquette 4. Un domaine bourguignon labellisé Terra Vitis et HVE, mais pas (encore ?) bio

Les vins « naturels »

Élaborés sans levures, collage, filtration et sans soufre ajouté (dioxyde de soufre ou SO²), ils relèvent aussi d’un concept philosophique du retour à un produit totalement naturel, exempt de chimie. Les normes bio tolèrent l’adjonction de soufre (SO²) à la dose maximale réduite de moitié par rapport aux normes européennes (label AB). Se passer de soufre, aux propriétés antibactériennes et anti-oxydantes, peut compromettre la stabilité du vin et produire sans soufre est toujours un pari risqué pour le vigneron. Les courageux qui élaborent des cuvées sans soufre adoptent souvent un étiquetage engagé, combattant, voire rebelle (Étiquettes 5). Les vins dits « naturels » ou sans soufre sont en général tous bio.

Etiquettes 5. Résistants, combattants, contestataires, rasta ? Etiquetage de vins naturels sans sulfites…

Les vins « vegan »

Certaines considérations éthiques ont fait apparaître des vins labellisés véganes ou vegan!  (Étiquettes 6). J’avoue qu’au début je ne voyais pas où était la part animale (encore moins sa souffrance) dans la production de vin… Peut-être était-ce le labour à cheval ? Quelques  domaines d’élite y sont revenus. Souvent en bio, comme une des première coopératives bio de France, les vignerons de Correns (Var) pour leur merveilleuse cuvée « l’Or des Fées »… Ou en biodynamie, à l’exemple de Nicolas Jolly pour la Coulée de Serrant qu’il justifie par les pentes abruptes de ses vignes surplombant la Loire. Non,  ce qui fait un vin vegan, c’est qu’il n’est pas collé au blanc d’œuf ni à la colle de poisson, à supposer que cette dernière technique soit encore utilisée…. On frise le ridicule, mais admettons… si le vin est bon !

Etiquettes 6 : Deux étiquettes de Mâcon-Villages  et Mâcon-Chardonnay vegan.

Vin durable, bilan carbone

Quel rapport me direz-vous entre le vin et le bilan carbone ? Aucun a priori… Eh bien détrompez-vous. Même si le vin est bio, biodynamique, Terra Vitis ou autre, sa production peut avoir un bilan carbone peu favorable à la durabilité de notre planète.

L’explication, un peu alambiquée, se trouve dans les sites dédiés [5]. J’ai cru comprendre, par exemple, que labourer les parcelles mobilisait du dioxyde de carbone (CO2) stocké dans la terre et participait lentement mais durablement au réchauffement climatique, qui est lui-même à risque pour nos merveilleux cépages de climat tempéré. Pour d’autres, il s’agirait d’un affichage abusif : « être neutre en carbone à l’échelle d’un produit alimentaire ne veut strictement rien dire. Un pays peut l’être, en compensant ses émissions résiduelles par des puits de carbone, mais pas un produit » [6]. Quoi qu’il en soit, des domaines pas nécessairement bio affichent leur neutralité carbone, en voici un exemple (Étiquette 7).

Etiquette 7 : Domaine Montrose, IGP Côtes de Thongue, pas bio mais carbone neutre !

Plus bio que bio : l’emballage éco-responsable

Mais cela ne suffit toujours pas ! Si le vin est exemplaire pour respecter la nature, la planète et sa durabilité, l’emballage doit aussi devenir écolo, ou plus exactement éco-responsable. C’est ainsi qu’on voit apparaître des étiquettes ou contre-étiquettes amusantes.

Comme celle de ce Chinon Pierre Chanau (verlan d’ « Auchan », dont c’est une marque !). La contre étiquette de ce vin labellisé HVE est un véritable rébus, que j’ai compris comme « tout de cette bouteille vide doit se recycler, le bouchon et la coiffe en plastique/alu doivent aller dans le bac de recyclage, la bouteille vide dans le container à verre » ! (Étiquette 8).

Etiquette 8 : Le rébus « recyclage » sur la contre étiquette du Chinon HVE de marque Auchan

Ou mieux comme cette série de (très bons) vins de marque Monoprix d’AOP variées en rouge, rosé, ou blanc (Bergerac blanc sec reproduite en en-tête de cet article et à nouveau ici, Étiquette 9), qui se revendiquent « éco-conçus » avec un nouveau label dédié.

Etiquette 9. Monoprix, le bon élève : des vins éco-conçus qui cochent toutes les cases du politiquement-vert-correct !

Eco-conçu signifie, outre un contenu bio bien sûr, une bouteille allégée en verre, un bouchon recyclable issu de forêts de chênes- lièges durables, une étiquette en fibre de canne à sucre, une colle sans solvant et sans vernis. Seules les encres non polluantes sans solvants toxiques n’ont pas été mentionnées, un oubli sans doute…

Comme l’ironisait en 1980 un grand penseur et poète du pinard obligatoire [7] : « Jusqu’où s’arrêteront-ils » ?!

© dessin Boursier

Liens et références :

1. Observatoire européen de la consommation de bin biologique. Evolution de la consommation de vin bio en Europe. Enquête Millésime Bio/IPSOS, octobre 2021. https://www.millesime-bio.com/app/millesime/files-module/local/documents/Sudvinbio_DP%20Etude%202021%20FINAL.pdf

2. Marine Jeannin. La biodynamie : respect de la terre ou dérive sectaire ? Géo environnement, publié le 14/04/2022. https://www.geo.fr/environnement/biodynamie-definition-principes-et-domaines-dapplication-193785

3. Site du Champagne Larmandier Bernier

4. Site de l’association TERRA VITIS. https://www.terravitis.com/notre-certification/

5. Site « Les vins durables ». https://www.vinsdurables.fr/quel-vin-en-2050-sur-la-route-de-la-neutralite-carbone /

6. Mathieu Saujot, de l’Institut du développement durable et des relations internationales, cité dans l’article de Géraldine Meignan : Les fausses promesses des aliments « neutres en carbone », Marianne, N° 1367, 25-31/05/2023.

7. Coluche. La revue de presse. 1980. Dessin de Sylvain Boursier, reproduit avec son aimable autorisation : http://www.dessinboursier.com/

© Texte posté le 25/05/2023.

Les étiquettes illustrant cet article sont issues de la collection de l’auteur.

Une perle nordique …

Cette étiquette « Perle de Lovisa », de Champagne Théophile Roederer et Cie, n’a pas de lien avec la marque australienne de bijouterie fantaisie et de piercing du même nom, bien qu’elle aussi propose des perles [1]. La marque de bijouterie a été créée en 2010 et notre étiquette, une chromolithographie glacée ou « paraffinée », est typique de la fin du XIXème siècle.

Le nom de « Lovisa » et les 3 drapeaux en bas de l’étiquette orientent vers la Scandinavie.

Lovisa, c’est Louise en Suédois. Le haut de l’étiquette arbore une couronne royale. L’étiquette est un hommage à Louise de Suède (1851-1926), fille du roi de Suède. Et très probablement à son mariage en 1869 avec le futur roi du Danemark.

Louise est née à Stockholm en 1851, à une période où les royaumes de Suède et de Norvège étaient unis [2]. C’est ce que traduisent les modèles particuliers des drapeaux norvégien en bas à gauche et suédois en bas à droite de l’étiquette, qui comportent tous les deux dans leur quadrant supérieur gauche, vers la hampe, un autre petit drapeau, carré pour la Norvège, rectangulaire pour la Suède (soyons précis !). Celui-là :

Cette « marque »  commune avait pour but de symboliser l’égalité des deux royaumes unis. Elle servait d’ailleurs de pavillon aux navires de commerce et de drapeau commun aux représentations diplomatiques des deux pays [3].

Drapeaux civils et militaires de la Suède et de la Norvège en 1899. Plaquette publiée par le ministère des affaires étrangères de Suède-Norvège pour annoncer le changement récent (Souce : Wikipedia [3])

Mais tout à une fin. L’union avec la Suède devint très impopulaire en Norvège et en 1899, l’assemblée nationale de Norvège décida d’abolir l’utilisation de l’emblème commun dans les drapeaux nationaux et marchands. Emblème qui resta par contre présent sur les drapeaux suédois jusqu’en 1905, date de la séparation définitive des deux pays et de l’indépendance de la Norvège.

Le drapeau central sur l’étiquette de Champagne est celui du Danemark qui, lui, n’a jamais varié depuis… 1214 !

Pourquoi penser que cette étiquette date de 1869 et commémore le mariage de Lovisa avec Frédéric, futur roi du Danemark, et leur installation à Copenhague en 1869 ? Simple déduction. L’étiquette est postérieure à 1864, date de la création de la marque Théophile Roederer et Cie [4], et antérieure à 1899, puisque cette date correspond à l’abandon de la marque d’union Suède-Norvège sur le drapeau norvégien. Elle ne peut pas avoir commémoré la naissance de Lovisa (1851), ni son accession au titre de reine du Danemark (1906).

Deux autres étiquettes de « Perles » de la fin du XIXème siècle, « Les Perles de la Champagne », véritable Champagne de la maison Renaudin Bollinger, et « Perle des Rheins », habile évocation champenoise pour un Sekt de Mayence !

Liens et références :

1. La page « Perles » ou « Pretty in perls » du site du bijoutier Lovisa (https://www.lovisajewellery.eu/collections/pretty-in-pearl )

2. Site Wikipedia en Français « Drapeau de la Norvège » (https://fr.wikipedia.org/wiki/Drapeau_de_la_Norv%C3%A8ge)

3. Site Wikipedia en Anglais « Flag of Sweden » (https://en.wikipedia.org/wiki/Flag_of_Sweden)

4. Théophile Roederer et Cie,  maison de négoce fondée à Reims en 1864 est à la fois indépendante et liée à l’historique maison Louis Roederer. Cette dernière est beaucoup plus ancienne, créée à Reims en 1776. Louis Roederer est célèbre à la fin du XIXème siècle pour ses succès à l’export en particulier vers la Russie et pour la fameuse cuvée Cristal créée pour le Tsar Alexandre II (voir notre article sur les vins du Tsar). La société Théophile Roederer et Cie, probablement crée par opportunisme commercial à la limite de la contrefaçon (mais jugée légale), a finalement été rachetée par les champagne Louis Roederer en 1904.

© Texte posté le 30/09/2022.

Les étiquettes illustrant cet article sont issues de la collection de l’auteur.

Etonnants bourgognes mousseux…

Quoi ! du Pommard mousseux, de la Romanée, du Chambertin mousseux ?!  Mais aussi du Chablis, du Meursault, et même du Montrachet Mousseux ? Difficile d’imaginer aujourd’hui, vu les prix de ces crus prestigieux, de les vinifier en mousseux …. Et en rouge en plus !! Pourtant cela a existé et cette pratique a même été en vogue à la fin du XIXème et début du XXème siècle, comme en témoignent ces deux étiquettes et leurs petites sœurs qui illustrent l’article. Certes, à l’époque, les appellations d’origine n’étaient ni contrôlées ni protégées.

A la rubrique « Bourgogne mousseux » [1], le site du bureau interprofessionnel des vins de Bourgogne donne une explication claire et concise de cette curiosité:

« Au début du XIXème siècle, les producteurs de la région de Bourgogne s’intéressent à l’élaboration de vins mousseux selon les techniques mises au point en Champagne, plus particulièrement à Rully, en Saône-et- Loire, dès 1820, à Nuits-Saint-Georges, puis, en 1840, à Chablis. Le nouveau produit a du succès, en particulier auprès de clients d’Angleterre et des Etats-Unis, et la méthode se diffuse rapidement. Des vins mousseux sont élaborés au cœur des plus beaux territoires comme au Clos Vougeot, à « Chambertin », à Chablis, …

Les producteurs de vins mousseux se regroupent au sein d’un syndicat, dès 1939, et obtiennent, en 1943, la reconnaissance de l’appellation d’origine contrôlée «Bourgogne mousseux». Le décret réserve cette appellation d’origine contrôlée aux vins blancs, rouges et rosés produits par seconde fermentation en bouteille.

A partir des années 1960, des producteurs bourguignons souhaitent formaliser et protéger leur production de vins mousseux de qualité et mettent en place des règles rigoureuses de récolte et d’élaboration qui aboutissent à la reconnaissance de l’appellation d’origine contrôlée « Crémant de Bourgogne », par un décret de 1975, pour des vins blancs ou rosés. A partir de 1984, l’appellation d’origine contrôlée « Bourgogne mousseux » est alors réservée aux seuls vins rouges. »

Ce court texte cache en fait une vraie « guerre des bulles » qui a fait s’affronter depuis le XIXème siècle les représentants des vignerons champenois, tourangeaux, angevins, bourguignons, allemands, californiens, … et qui se poursuit toujours. En témoignent les procédures juridiques récentes en France pour limiter l’appellation « Crémant » [2, 3] ou bloquer le droit à l’indication géographique protégée (IGP) pour des vins effervescents de certaines régions (Provence, Ardèche, pays d’Oc) [4]. Mais aussi la tempête économico-médiatique provoquée à l’été 2021 par V. Poutine sur le « Champagne » russe [5], avant que sa folie hégémonique ne se porte plus dramatiquement sur l’Ukraine…

Médoc mousseux « Méthode Champenoise », dénomination interdite depuis 1970 au profit de « Méthode traditionnelle « , à la demande du comité des vins de Champagne

La notice Wikipédia « Crémant de Bourgogne » [6] nous apprend que dès le début du XIXème siècle, Rully dans la Côte chalonnaise, Tonnerre dans l’Yonne, mais aussi Nuits (plus tard Nuits-St-Georges) en Côte d’Or ont profité de l’engouement croissant pour les vins pétillants pour se lancer dans la fabrication et la commercialisation de vins mousseux. En important ou s’inspirant du savoir-faire champenois à Rully et Chalon sur Saône en 1822 (François Basile Hubert et les frères Petiot) et à Nuits dès 1819 (Joseph-Jules Lausseure). Mais on se doute qu’en commercialisant en 1826 du vin de Bourgogne mousseux  sous le nom de « Fleur de Champagne Qualité Supérieure » [7], le succès commercial serait immédiat, mais les ennuis judiciaires aussi.

Tarif de la Maison Jailloux-Merle, producteur de « Mousseux de Bourgogne » au Château de Rully au début du XXème siècle.

De nos jours, l’appellation contrôlée Bourgogne Mousseux existe toujours [8] mais reste confidentielle. Elle concerne exclusivement les vins mousseux élaborés à partir de raisins rouges (pinot noir et gamay en cépages principaux) auxquels une petite partie d’autres cépages secondaires peuvent être ajoutés, chardonnay, pinot blanc, pinot gris et césar.

Ce goût pour le vin rouge pétillant, maintenu en Italie avec le Lambrusco ou le Brachetto, va peut être revenir à la mode ?

Liens et références :

1. Bourgogne mousseux. Site du Bureau Interprofessionnel des Vins de Bourgogne (BIVB) .

2.  Pierre du Couëdic. Le Crémant vers une spécificité ou vers une dénomination commune. Rivista di diritto alimentare, 2010, année IV, numero 3

3. Frédérique Jourdaa. L’appellation crémant reste en sa terre. Ouest France, publié le 06/03/2015.

4. Le Figaro Vin. L’attribution du label IGP « Méditerranée » réjouit les producteurs de mousseux du Sud-est. Publié le 07/01/2017.

5. Paul Gogo. La Russie s’approprie l’appellation « champagne ». Le Monde, publié le 05/07/2021.

6. « Crémant de Bourgogne », site Wikipédia.

7. Jean-François Bazin. Le crémant de Bourgogne. Deux siècles d’effervescence. Dunod, 2015 ; 240 p.

8. Par exemple, Bourgogne Mousseux Vitteaut-Alberti ou Veuve Ambal , célèbre maison de Crémants de Bourgogne établie à Rully en 1898 et à Beaune depuis 2005

© Texte posté le 10/09/2022.

L’abus d’alcool est dangereux pour la santé. Consommez avec modération.

Les étiquettes illustrant cet article sont issues de la collection de l’auteur ou de captures d’écran (sites ebay France, leboncoin, etc..).

Rosés de Stars…

Entre ces deux étiquettes du domaine de MIRAVAL, Côtes de Provence rosé : sept ans (2014-2021), des contre étiquettes sensiblement différentes… et une séparation houleuse !

Comme Francis Ford Coppola en Californie, Carole Bouquet en Italie du Sud, Gérard Depardieu (jusqu’à quand ?) en Anjou, à Saint Emilion et en Languedoc-Roussillon, Feu Jean-Louis Trintignant dans la Vallée du Rhône, Pierre Richard dans les Corbières, Sting en Toscane, Georges Lucas en Californie, Italie et Provence, ou George et Amal Clooney encore en Provence, de nombreuses stars du cinéma ou de la chanson ont investi dans un vignoble secret ou prestigieux [1].

Rosé glamour…

© Illustration de l’article de Vanity Fair [1]

Par amour partagé pour la France et le bon vin, l’ex-couple le plus glamour d’Hollywood, Angelina Jolie et Brad Pitt avaient jeté leur commun dévolu en 2008 sur un joli vignoble de Provence, situé sur les hauteurs de la commune de Correns, le domaine de MIRAVAL. [2]

Vous connaissez certainement le scénario. Ils s’y sont mariés en 2014, y ont investi une partie de leur fortune et rénové à grand frais le domaine.

Ils se sont associés à Marc Perrin, de la célèbre famille de vignerons de Châteauneuf du Pape, pour une vinification soignée à laquelle Brad Pitt, présenté comme un « obsédé de la qualité », a souhaité être étroitement associé. En juin 2014 il déclarait à la revue Wine Spectator : « Je suis un vrai fermier maintenant. J’aime apprendre sur la terre, les terres à cultiver en fonction des différents types de cépages. J’aime les interrogations de septembre et d’octobre : est-ce qu’on récolte aujourd’hui ? Quel est le niveau de sucre ? Comment est l’acidité ? Est-ce qu’il va pleuvoir ? Tout cela a été une vraie éducation pour moi ». [3]

Beyrouth, juillet 2014, annonce sur le site Lebtivity https://www.lebtivity.com/event/miraval-rose-bottled-by-jolie-pitt

Succès gustatif, commercial, people, MIRAVAL est devenu un des rosés les plus célèbres de la planète….

Même la délicate étiquette, ronde et florale, a été dessinée par Marc Perrin et Brad Pitt [4].

La contre étiquette arborait en 2014, année du mariage, la sobre indication «MIS EN BOUTEILLE PAR JOLIE-PITT & PERRIN ». En 3 noms, du rêve, on avait l’impression de trinquer avec eux sous les oliviers du domaine et le soleil de Provence…

Fini le glamour, le couple s’est séparé en 2016. Malgré un engagement réciproque à ne pas vendre leur part sans l’accord de l’autre, Angelina a revendu les siennes à une société internationale de vins et d’alcools et Brad a intenté un nouveau procès à son ex. Tout cela alimente la presse people et vinicole. Brad poursuit ses investissements dans le domaine, il a le projet de rénover le mythique studio d’enregistrement de MIRAVAL, dans lequel ont répété et enregistré entre autres les Pink Floyd, AC/DC, George Mickael, Shade, Téléphone, The Cranberries, Sting, The Cure, Muse, … [5]

 Le couple vigneron «Brangelina» appartient au passé. La contre étiquette de MIRAVAL s’est élargie, a refoulé les indications légales sur les côtés. Au centre, une sèche indication : « MIS EN BOUTEILLE PAR MIRAVAL» qui surmonte un grand espace vide, très significatif…

Si les vins du domaine sont toujours aussi réussis, MIRAVAL perd ainsi un peu de sa magie…  Mais il faut quand même aller découvrir le village de Correns (village bio) et ses vallées magnifiques, longer Miraval, visiter la  cave des vignerons de Correns, accueillante et offrant des vins également magnifiques, rouges, rosés et blancs (tous bio donc) [6].

Citation d’Antoine de Saint Exupéry sur un cubitainer de Côtes de Provence rouge des vignerons de Correns

Rosé marrant

Et si vous avez encore besoin de vous consoler, vous pourrez toujours vous rabattre sur un autre rosé de star, française celle-là. José Garcia, un des acteurs préféré des français, a donné son nom à un rosé en 2021, le « Rosé Garcia » !

Bien que distribué par « Les Niçois » [7], il ne vient pas de l’arrière-pays, ni du Var et n’a pas l’appellation Côtes de Provence ou Coteaux varois. C’est un « vin de France, mis en bouteille à la propriété », mais sans que celle-ci soit nommée sur l’étiquette. Les cépages syrah, grenache et Caladoc indiquent une origine plutôt Rhône-Sud…. Le vin serait en fait élaboré au Château de Montfrin dans le Gard, producteur d’huile d’olive et de vins bio [8].

Ici, plaisir, humour et bonne humeur sont au rendez-vous. L’étiquette, nettement moins glamour, affiche le visage rigolard de José, qui définit son vin comme “un rosé de fête et de chants, un vin de bruit et d’amis pour enchanter votre palais et ruiner les oreilles de vos voisins“. La contre étiquette en rajoute une (petite) couche : « C’est un vin de fête et de potes qui débarquent à toute heure, le cœur sur la main et des guitares plein les poches ». Licence poétique sans doute, sinon faut prévoir de grosses poches.

Pour la moitié du prix de Miraval, vous pourrez vous faire plaisir avec ce rosé gourmand, fruité et marrant. En plus, il est bio lui aussi !

Liens et références :

1. Laure Cometti. Les vins des stars. Vanity Fair, publié le 25 octobre 2013

2. Site du domaine de Miraval.

3. Robert Camuto.  Jolie-Pitt & Perrin. Wine spectator du 30 juin 2014.  

4. Laure Gasparotto. Brad Pitt et Angelina Jolie : l’amour est dans le vignoble. Le Monde. Publié le 26 juin 2018.

5.  Le Particulier pour BoursoraMag. Le château de Miraval, propriété de Brad Pitt dans le Var – BoursoraMag, publié le 15/06/2022

6. Les vignerons de Correns

7. Les Niçois. Boutique en ligne.

8. Site du Chateau de Montfrin

© Texte posté le 31/08/2022.

L’abus d’alcool est dangereux pour la santé. Consommez avec modération.

Les étiquettes illustrant cet article sont issues de la collection de l’auteur.

Château Bel Evêque, AOP Corbières, propriété de Pierre Richard depuis 1986. Le visage se burine, l’engagement, la qualité et la générosité ne changent pas.

Etiquettes et blasons

Comme toute collectionneuse ou tout collectionneur,  l’œnographile amasse des étiquettes de vin (ou d’alcool), les trie, les classe, et commence en général par une approche régionale, le plus souvent par appellation. Puis, immanquablement, arrive une très belle étiquette décorée, un tableau moderne, la commémoration d’un personnage célèbre, d’un évènement sportif, musical, culturel ou historique, un hommage au travail de la vigne …

Alors,  le besoin se fait sentir de constituer des thématiques, dont quelques-unes auront sa préférence et seront approfondies. Parmi elles, l’héraldique, les blasons et armoiries, constituent une thématique de choix. Il faut reconnaître que les étiquettes de cette thématique sont impressionnantes, parfois énigmatiques, toujours richement décorées et colorées, comme le confirmeront quelques spécimens reproduits dans cette page.

Même si les armoiries n’étaient pas réservées aux nobles et au clergé, l’héraldique renvoie à la chevalerie et la noblesse, et l’étiquette armoriée confère, à juste titre ou non, des valeurs d’ancienneté, de sérieux et d’excellence au domaine ou au vin qu’elle représente.

Cette étiquette de Sauternes Château ROCARD 1922 devrait intéresser les amateurs de cette thématique. Non qu’elle affiche des armoiries flamboyantes… Mais par le texte du petit bandeau vert qui souligne le modeste blason.

Il rappelle et célèbre un édit royal de du 22 novembre 1696 dont j’ignorais tout. Cet édit de Louis XIV « porte création d’une Grande Maîtrise, établissement d’un Armorial général à Paris, et création de plusieurs maitrises particulières dans les provinces » [1].

Le but avoué dans le préambule du texte de l’édit royal était de recenser toutes les armoiries existantes en France et d’en réglementer le port, afin d’éviter les usurpations, plagiats, appropriations abusives et les conflits qui s’ensuivaient.

Mais l’autre objectif, inavoué et malin, était de faire rentrer de l’argent dans les caisses du royaume, vidées par les précédentes guerres. En effet, l’inscription des armoiries dans l’Armorial général était payante : 20 livres pour les particuliers, 40 livres pour les comtés et marquisats, 50 pour les duchés et pairies, 50 livres aussi pour les évêchés, les cathédrales et les abbayes, 100 pour les grandes villes ou les archevêchés, et jusqu’à 300 livres pour les provinces, pays d’Etat et grands gouvernements. Une amende était prévue pour l’usage d’un blason non enregistré !

Malgré cela, l’initiative n’eut aucun succès. Les particuliers furent totalement réfractaires à l’enregistrement obligatoire, les charges de commissaires créées pour l’occasion afin de sillonner les provinces ne trouvèrent peu ou pas de candidats. Des mesures d’incitation puis de coercition n’évitèrent pas l’échec de l’entreprise et son abandon 4 ans plus tard.

Cet édit nous laisse quand même, outre un enregistrement même incomplet des principales armoiries de l’époque [2], quelques enseignements :

Le premier, assez peu connu, est que le système des armoiries était totalement libre, non réglementé et non réservé à la noblesse, comme l’explique l’avocat Pierre-Jean Ciaudo [3] : « Bien que leurs racines soient guerrières, et  donc nobiliaires, elles (les armoiries) se généralisent à l’ensemble de la société dès le XIIIème siècle où l’on connaît des bourgeois, puis au XIVème des paysans, qui les utilisent pour sceller leurs contrats. D’abord signe de reconnaissance dans les combats, puis expression sigillaire pour l ‘authentification des actes juridiques, leur extension est telle qu’elles deviennent même des marques de fabrique pour les artisans ».

Le second est que cet édit est la première (et a priori la dernière) tentative de l’état français à s’immiscer dans une quelconque régulation ou contrôle des armoiries.

Le troisième, mais là ce n’est pas une surprise, est que l’inventivité des gouvernants est sans limite pour essayer de remplir les caisses de l’état, et ce de tout temps !

Extrait de l’Armorial de France de Charles D’Hozier, généralité de Chalons

Liens et références :

1. Édit… portant création d’une grande maistrise générale et souveraine, et établissement d’un armorial général à Paris, ou dépost public des armes et blasons du Royaume ; et création de plusieurs maistrises particulières dans les provinces… Registré en la Chambre des Comptes Louis XIV (1638-1715; roi de France). https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b86019266.image

2. Charles D’Hozier. Armorial général de France. BNF. Accessible via le site du centre de recherches du Château de Versailles. https://www.chateauversailles-recherche.fr/francais/ressources-documentaires/corpus-electroniques/sources-manuscrites/armorial-general-de-france-par.html

3. Pierre-Jean Ciaudo. L’application de l’édit de novembre 1696 dans la région grassoise. Cahiers de la Méditerranée  Année 1977  15  pp. 49-73. https://www.persee.fr/doc/camed_0395-9317_1977_num_15_1_1441

© Texte posté le 30/11/2021

A part la première, les étiquettes illustrant cet article sont issues de la collection de l’auteur. Choix a été fait de ne sélectionner que des blasons et armoiries comportant du bleu, pardon d’Azur… et des étiquettes décollées qui ont vécu et en gardent quelques traces. Parce que la couleur bleue est assez rare sur les étiquettes et qu’elle ressort particulièrement bien. Et puis aussi parce que ce texte a été débuté avec l’épopée écourtée des bleus lors de l’euro de football et terminé le jour de la victoire historique d’autres valeureux bleus face à l’équipe de Nouvelle Zélande!

Le vin de la comète

(Dimensions de l’étiquette originale :  95 x 55 mm)

Voici une étiquette lithographiée de Champagne (Sillery Mousseux) du XIXème siècle, destinée à l’export aux Etats Unis d’Amérique et célébrant, comme son nom COMET l’indique, une comète.

De quelle comète s’agit-il, la comète qui a donné son nom au « vin de la comète » ou une autre comète ?

1. La grande comète du « vin de la comète » 

Le vin de la comète, surtout le vin de Champagne, a été longtemps célébré tant par les vignerons que les poètes [1]:

Le soir, déjà ; son traîneau glisse,

Si vite qu’il effraie les gens ;

Le givre luit sur sa pelisse

Et tremble en poussière d’argent.

Il file chez Talon; il dîne

En compagnie de Kavérine.

Il entre — un jet mousseux d’Aÿ

De la comète qui jaillit (…)

(Pouchkine, Eugène Onéguine, 1823-1831)

La comète du « vin de la comète » est la grande comète de 1811, appelée aussi Comète de Napoléon. Personne ne se souvient de son vrai nom (C/1811 F1) ni de celui de son découvreur (Honoré Flaugergues, astronome amateur français). Personne n’attend son retour car sa périodicité est de plus de 3000 ans et elle ne repassera pas à proximité de la terre avant l’année l’an 4906 du calendrier occidental !

La grande comète de 1811 a marqué les esprits et les vignerons pour deux raisons principales : son caractère spectaculaire, avec une très longue queue, visible pendant 9 mois consécutifs (entre mars 1811 et le début de 1812 et particulièrement pendant les vendanges de 1811), et l’association à des conditions climatiques optimales qui ont conduit à un millésime exceptionnel pour le vin, tant en qualité qu’en quantité. Surtout en Champagne. Pour les maisons champenoises, cette année salvatrice a fait suite à plusieurs années catastrophiques et un marché international, en particulier russe, sinistré par les guerres napoléoniennes. Ce que décrit très bien Roger Pourteau dans un article publié dans le Figaro le 19/03/2011 [2] :

« C’est en 1814 que le millésime de la comète révéla toutes ses qualités. Après trois années détestables (1805, 1808 et 1809), la vendange 1811, commencée en septembre (un gage de réussite), a mis un terme à une série noire qui menaçait plus d’une maison. Pour la Veuve (Cliquot), le salut vint de Russie où étaient parvenus des échos flatteurs du « vin de la comète ». Commandes massives donc assorties d’une exigence : que les bouteilles soient identifiées par une vignette portant la mention «Vin 1811 de la comète». Réalisées à la main, elles furent les toutes premières étiquettes de la Champagne, l’usage n’en sera généralisé que quarante ans plus tard. »

Je ne connais pas d’exemplaires originaux d’étiquettes de vin de la comète. Comme le précise l’article du Figaro [2], les étiquettes du Champagne Veuve Cliquot Ponsardin commandé en Russie étaient manuscrites, et il n’y en a aucune trace connue (peut-être y en a-t-il dans des archives russes non encore publiées ?).

Par contre, je dispose d’une série de fac-similés d’étiquettes des origines de la maison Moët et Chandon éditée dans les années 1960. Les reproductions concernent des étiquettes du début du XIXème siècle et de la fin du XVIIIème. Parmi elles, une étiquette de Jean Rémy Moët (1758-1841, petit-fils de Claude Moët fondateur de la marque) porte la mention, également manuscrite à l’origine, de « vin d’Aÿ blanc crémant de 1811 ».

L’étiquette a la forme en écu de l’étiquette de la cuvée Dom Pérignon et arbore comme elle, en bas, une étoile à 5 branches, rappel stylisé de la comète de 1811. Etoile qui figure constamment sur la quasi-totalité des étiquettes de Moët jusqu’à nos jours….

2. La comète de Halley

La plus connue est la comète de Halley, qui passe à proximité du soleil et est donc visible de la terre tous les 76 ans : 1986, 1910, 1835, 1758, etc…

Trois passages peuvent avoir été commémorés sur des étiquettes de vin : 1986, 1910 et 1835 puisqu’en 1758 et avant, les étiquettes telles que nous les connaissons, imprimées sur papier et collées sur les bouteilles, n’existaient pas. On considère en effet que les premières étiquettes imprimées datent de 1800 ou de la toute fin du XVIIIème siècle [3]. L’essor de l’étiquetage nait avec la lithographie, inventée dès 1798. Mais les premières étiquettes de vins lithographiées ne sont apparues qu’à partir de 1820 et étaient réservées aux vins de haut de gamme, vins allemands, puis vins de Champagne, de Bordeaux et de Bourgogne.

Cette étiquette « COMET » de Sillery mousseux commémore-t-elle le passage de 1910 ou de 1835 ?  Difficile à affirmer en l’absence de millésime. Mais le style de l’étiquette lithographiée et les inscriptions peuvent tout à fait correspondre au début du XIXème siècle. Une étiquette de Sillery millésimée 1834, conservée par la médiathèque d’Epernay et reproduite dans le livre L’image du Champagne De la Belle Epoque aux Années folles [4] est très proche graphiquement. Donc on pencherait plutôt pour une commémoration du passage de la comète de Halley en 1835…

Pas d’ambiguïté de comète ni de datation (1835) avec la magnifique étiquette de Sillery première qualité de la maison Renaudin Bollinger « Haley’s comet brand », destinée au marché américain, reproduite dans le livre de référence « L’étiquette du Champagne » de Georges Renoy [5].

Le passage de la comète de Halley en 1986 a également été l’occasion d’étiquetage commémoratif, et pas uniquement en Champagne !

3. Traces de comètes sur étiquettes célèbres

De nombreuses étiquettes et bouchons de Champagne, anciens ou actuels, gardent une trace de la grande comète de 1811.  Les deux plus beaux exemples sont les champagnes Veuve Cliquot Ponsardin et Moët et Chandon.

La comète du Champagne Veuve Cliquot Ponsardin

Les étiquettes de Veuve Clicquot Ponsardin ont affiché, depuis l’époque de la première comète jusque dans les années 1980, une étoile et une queue de comète au centre d’un cercle portant en périphérie les noms V CLIQUOT P et WERLE. [6]

Hélas, la comète des origines a disparu des étiquettes de la maison à partir des années 1980, remplacée par l’autre symbole de la maison : l’ancre de marine. Exit aussi le nom et la référence à Edouard Werlé, jeune employé (1821) puis associé (1830), puis successeur de Madame Clicquot à son décès en 1866. Il a également été maire de Reims 1852 à 1868, député de Reims de 1862 à 1870, commandeur de la légion d’honneur, président du tribunal de commerce, conseiller général de la Marne et président honoraire du syndicat des vins de Champagne….. Un personnage important, donc.

Trois étapes de la célèbre étiquette jaune du Champagne Veuve Clicquot Ponsardin, la dernière version avec la comète (fin des années 1970), la première sans (années 1980) et la version actuelle (années 2010-2020). (collection de l’auteur)

Les bouchons de la maison Veuve Cliquot Ponsardin ont également arboré la comète complète ou l’étoile seule pyrogravées (illustration), rejoints par de très nombreux producteurs.

C’est d’ailleurs ce qui a permis l’identification de bouteilles de Champagne lorsque des plongeurs ont remonté en juillet 2010 du fond de la mer Baltique 168 bouteilles de champagne, dont 47 de Veuve Clicquot facilement identifiées grâce à la marque apposée sur les bouchons représentant la comète [2]. Auparavant, les bouchons de la Veuve étaient marqués de l’ancre, symbole d’avenir et de prospérité, qui a détrôné la comète sur les étiquettes.

La comète du Champagne Moët et Chandon

Chez Moët, comme on l’a vu, pas de comète complète, mais une simple étoile, présente depuis les origines sur quasiment toutes les étiquettes de la maison (sauf quelques étiquetages pour l’export). Mais si l’étoile est toujours présente, elle diminue nettement en taille (illustration), témoin volontaire ou non de l’éloignement progressif de la comète des origines mais aussi de l’amnésie progressive de la symbolique de la comète après plus de 150 ans….

Trois étapes de l’étiquette de cuvée brut impérial de Moët et Chandon, l’étoile se rétrécit, comme la comète qui s’éloigne….

(Collection de l’auteur)

Les comètes s’éloignent de la terre et disparaissent des étiquettes…

Les étiquettes de la  maison de champagne Delamotte Père et Fils (Le Mesnil sur Oger) arboraient une des plus belles comètes, d’abord sur la collerette, puis sur les étiquettes, déclinées en plusieurs couleurs. Mais là encore, les dernières versions des étiquettes de cette maison ont abandonné la comète et ont évolué vers une assez triste austérité.

Même constatation pour la discrète comète des Champagne Bollinger, présente sur certaines séries d’étiquettes de la fin du XIXème siècle, encore présente sur quelques étiquettes des années 1970, dont celle la célèbre cuvée Vieilles Vignes Françaises, avant de totalement disparaitre au cours des années 1980.

Etiquettes Bollinger du XIXème et plus récentes de la cuvée Vieilles vignes françaises, avec puis sans symbole de la comète (collection de l’auteur)

On remarque que la plupart des grandes maisons de Champagne qui affichaient ou affichent encore des comètes sur leur étiquettes ont été créées à la fin du XVIIIè siècle (Moët et Chandon 1742, Delamotte P et F 1760, Veuve Cliquot Ponsardin 1772, Heidsieck 1785) et étaient donc en pleine activité au moment du passage de la comète de 1811.   Simple coïncidence ?

Pour la maison fondée en 1838 à Aÿ par William Deutz et Pierre Geldermann, devenue Deutz tout court dans les années 1980, l’apparition de la comète fut éphémère…

4. Vin de la comète, vin d’exception…

Mais si on se base sur l’évolution des étiquettes de ces maisons de Champagne, force est de constater que la référence à la comète comme symbole d’un vin exceptionnel s’estompe voire disparait totalement des cerveaux des femmes et hommes de marketing champenois actuel. Il faut dire que plus de 200 ans ont passé et que le symbole a quand même tenu le coup pendant plus de 150 ans….

Quelques cuvées modernes continuent pourtant à se revendiquer d’une comète, non pas d’un moment précis ou d’une comète identifiée, mais d’une comète en général. C’est le cas (liste non exhaustive) d’un Sancerre (domaine Paul Prieur et Fils), d’un Crémant de Loire (Vincent Esnou, domaine de la Belle Etoile), d’un Jurançon sec (Maxime Salharang, Clos Larrouyat, Maison Dubecq), d’un autre Jurançon vendanges tardives cette fois (Pascal Labasse, domaine de Bellegarde), d’un vin blanc du domaine des Grillons (Côtes du Rhône), ainsi que d’une cuvée « queue de comète » (Cotes du Rhône blanc, domaine Gramillier).

Reprenant l’association entre millésime exceptionnel et comète, un vigneron a nommé « cuvée de la comète » une vendange tardive particulièrement réussie en 2017, alors que 2018, 2019 et 2020 n’avaient rien donné. Sa réponse à la question  « Pourquoi une cuvée Comète ? »  a été étonnante : « Parce qu’une comète ça passe, et on ne sait pas quand elle reviendra » Affirmation sympathique, mais totalement infondée car, comme on l’a vu, si les années exceptionnelles sont imprévisibles pour le vin, les calculs des astronomes sont d’une grande fiabilité pour établir la périodicité de passage de toutes les comètes connues !

5. Pluie de comètes sur étiquettes et collerettes…

Toute référence à la comète n’a donc pas disparu de nos étiquettes de vins. Amis collectionneurs, regardez vos étiquettes, de Champagne surtout. Vous serez surpris de découvrir ici ou là une comète stylisée, une étoile, soit sur l’étiquette elle-même, soit plus discrètement sur la collerette seule comme dans les quelques exemples montrés ici.

Liens et références :

1. Le vin de la comète. Blog Au bon clos. Publié le 12 septembre 2011.

2. Roger Pourteau. La comète de 1811 veille encore sur Veuve Clicquot. © Le Figaro, publié  le 19/03/2011 ;

3. Georges Renoy. Le livre de l’étiquette de vin. © Bruxelles, Racine/ Paris, Vilo, 1995

4. Marie-Thérèse Nolleau Pierre Guy. L’image du Champagne De la Belle Epoque aux Années folles, © 2015, Gueniot Dominique Editions

5. Georges Renoy. L’étiquette du Champagne. Editions Racine, 1996.

6. Les femmes et les maisons de Champagne. Veuve Cliquot Ponsardin. Reims Champagne actu, publié le 21 juin 2006.

© Texte posté le 31/10/2021, mis à jour le 25/10/2024 et le 06/01/2025

LA SUITE ….

  1. Un dimanche de fin novembre, on débouche une bouteille de Vouvray, et devinez ce que je découvre, gravé sous le bouchon ?

2. Pour illustrer notre propos, voici un petit jeu : quelle est la différence entre ces deux étiquettes de Champagne brut rosé de Damery ? Un indice : la première est probablement antérieure à 1992, la seconde postérieure …

Autre indice, c’est sur la collerette que ça se passe ! Eh oui, le vigneron a voulu apposer sur son étiquette le logo « point vert », attribué depuis 1992 aux entreprises qui contribuent financièrement au dispositif de recyclage de l’emballage. Et hop, bonjour le point vert et adieu la comète, une nouvelle fois !

La Valse des étiquettes

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« Drôlatiques, coquines ou romantiques, les étiquettes des bouteilles de vin offrent matière à raconter  une histoire… »                 

P. Vavasseur 

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Ne vous est-il jamais arrivé d’acheter une bouteille chez votre caviste de quartier ou au supermarché, uniquement parce que l’étiquette est amusante, le nom du vin original, en clin d’œil ou jeu de mots ?

J’avoue que cela m’arrive souvent… et je suis rarement déçu. Car l’exercice ne souffre pas la médiocrité. Les vignerons qui se prêtent à ce jeu sont en général dotés d’un souci de la qualité doublé d’un solide sens de l’humour voire de la provocation. Ils nomment de façon originale leurs cuvées un peu spéciales, faites de cépages anciens ou interdits dans l’AOP de leur région. Ou bien leurs vins plaisir, à partager entre amis sans se prendre la tête et sans se ruiner. Ils ciblent aussi une clientèle plus jeune, curieuse, moins préoccupée par les méandres et contraintes des appellations officielles. D’ailleurs, ces vins ont souvent l’appellation la plus simple « vin de France », tandis que d’autres arborent toutes les caractéristiques des exigeantes AOP.

Cela a été une joie de découvrir dans le supplément Week-End du journal Le Parisien du 19 juin 2020 [1] un article intitulé « LA VALSE DES ETIQUETTES » qui traite justement de ces (bons) vins achetés pour leur étiquette.

Son auteur, Pierre VAVASSEUR est journaliste, écrivain, grand reporter au Parisien, amoureux des livres et récent créateur d’un très beau blog, lumineux même, consacré à la littérature [2]

Visiblement épicurien, il a composé un poème à partir des vins qu’il aime offrir à ses amis et qu’il choisit, dit-il, en fonction du « petit nom du jaja ».

Je me suis amusé à retrouver les vins qui composent son ode…. Pour une fois, ce n’est pas une, mais près de 75 étiquettes qui nous racontent une histoire !

Voici le poème et son texte d’introduction, reproduits avec l’autorisation de l’auteur et du Parisien, que nous remercions :

« A chaque fois que je suis invité chez des amis, comme l’autre soir par exemple, j’apporte une bouteille choisie en fonction de l’étiquette. Sauf que ce ne sont ni le cru ni le cépage qui m’attirent, mais le petit nom du jaja. Il en existe des amusants, osés, lyriques… tout un poème, autrement dit. Il fallait bien en écrire un. »

Respiration !…..Parmi les 74 noms relevés, des vins de toute la France ou de l’étranger (2 citations), quelques noms de domaines et non de cuvées (la Chouette du Chai, Haut Marin, domaine de la Prose) et même celui d’une brasserie iséroise (la Marmotte masquée) !

Pierre VAVASSEUR, bourguignon de naissance, a très bon goût. En fait de «jaja», sa sélection ne comporte pas de vins bas de gamme, et si quelques-uns ont un prix modéré (entre 5 et 13 euros), la majorité coute quand même  20 à 50 euros et certains atteignent des petits sommets (60 euros les 37,5 cl pour la cuvée Sul Q, on l’est effectivement…). Presque tous sont des vins bio, voire élaborés en biodynamie. Certains vignerons sont très bien représentés, en particulier le domaine d’Anne et Jean-François Ganevat, vignerons réputés du Jura (14 produits). Les vins dont le nom correspond à plus de 3 domaines (ex: cuvées Les Terrasses, les Anges, Plénitude) n’ont pas été détaillés. 

Outre leur habillage, à découvrir dans le carrousel surmontant le poème, les voici par ordre de citation (à consommer avec modération) :

Liens et références :

1. Les mots de Pierre. La valse des étiquettes. © Le Parisien Week-End, supplément au Parisien N° 23376 du vendredi 19 juin 2020.

2. Des minutes de lumière en plus. Blog littéraire de Pierre Vavasseur  

© Texte posté le 10/05/2021